POLITIQUE DU MÉDICAMENT. C’est demain que l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) doit remettre au ministre de la santé les résultats de ses investigations concernant les décisions prises par les autorités sanitaires sur le Mediator. Plus largement, c’est toute la politique d’évaluation, de réévaluation du médicament qui est aujourd’hui mise en cause et qui deviat être remise à plat. De mêma le politique de surveillance des médicaments, une fois mis sur le marché ne sortira pas indemne de cette affaire qui continue à créer beaucoup de tumulte. Xavier Bertrand devrait rapidement annoncer ses pistes de réformes pour répondre aux accusations qui tendent à mettre en cause la sécurité du médicament.
LE QUOTIDIEN L’affaire du Mediator soulève le problème de la réévaluation bénéfice/risque d’un médicament une fois son AMM obtenue. Est-ce l’une des défaillances du système ?
Pr JEAN-FRANÇOIS BERGMANN- Pour qu’il y ait réévaluation de la balance bénéfice/risque, il faut qu’il y ait matière à la faire, c’est-à-dire qu’il faut de nouvelles données de sécurité. Actuellement, en l’absence d’alerte significative, le renouvellement est automatique dans les faits, lors d’une procédure réglementaire tous les 5 ans, le renouvellement quinquennal.
Est-ce que fixer des rendez-vous obligatoires améliorerait les choses ? Pas forcément. La question n’est pas de réévaluer pour réévaluer, ce qui serait d’ailleurs bien difficile à réaliser en pratique, en regard de la masse de dossiers à traiter. La question est de repérer des signaux, les faire remonter et ensuite de faire le tri entre les vraies et les fausses alertes. Le problème est de déterminer à quel niveau de signal il faut réagir, ce qui est hautement variable selon le médicament et la gravité de la maladie. On est par exemple beaucoup plus tolérant pour une chimiothérapie. Le système doit savoir être réactif et adaptatif.
Les mesures de renforcement de pharmacovigilance annoncées par l’Afssaps en novembre dernier, extension de notification spontanée aux patients et utilisation de bases de données, vous semblent-elles adaptées pour améliorer la visibilité des signaux ?
Sans aucun doute. Jusqu’à récemment, la pharmacovigilance de l’Afssaps n’avait pas accès aux données de la CNAM. C’est une avancée importante. Mais ce n’est pas tout. On trouve ce qu’on cherche. Or tous les médicaments ont des effets secondaires, il y a des vraies et des fausses alertes, l’imputabilité peut être moins évidente. Pour être sur la bonne piste, il faut avoir du « pif », des données de pharmaco-toxicologie, de l’intuition, les informations mondiales de pharmacovigilance et du bon sens clinique.
Il n’existe pas un modèle unique de surveillance, qui serait valable pour toutes les situations. Il existe un bon modèle pour le syndrome de Lyell, un autre pour les valvulopathies, et un autre encore pour les toxicomanies, etc. Un bon système doit répondre aux questions posées et pour cela il doit être suffisamment subtil pour s’adapter aux cas particuliers.
S’il existe certainement une insuffisance de moyens, on peut se demander s’il est bien utile de perdre du temps avec trop de tâches bureaucratiques et administratives, pas forcément très informatives. Mieux vaut chasser du gros gibier que du petit.
Un médicament peut rester sur le marché français alors qu’il est retiré partout ailleurs en Europe. Et ce, sans que l’Agence européenne du médicament, l’EMEA, ne trouve rien à redire. Pourquoi ?
Dans le cadre d’une procédure d’AMM nationale et non pas européenne, ce qui est le cas du Médiator, c’est à chaque pays ayant une AMM nationale de prendre les décisions le concernant. L’industriel peut choisir les pays où il souhaite faire une demande d’AMM nationale et, si le médicament est déjà sur le marché, l’industriel peut choisir les pays où il souhaite éventuellement demander un retrait d’AMM. C’est à lui de décider, l’Europe n’a alors rien à faire dans l’histoire.
Dans l’affaire du Médiator, il faut souligner que la pharmacovigilance française n’a pas rien fait suite à l’alerte espagnole. Elle a effectivement regardé le produit de plus près, le problème est qu’elle n’a pas vu de « signal » fort. Le mode de recherche n’était sans doute pas adapté et/ou certaines informations n’ont pas été correctement transmises.
Certains déplorent également la multiplicité des instances d’évaluation, Commission d’AMM, Commission de pharmacovigilance, Commission de la Transparence. Quel est votre avis ?
La Commission de la Transparence a été détachée de l’Afssaps pour la Haute Autorité de Santé il y a quelques années. Certains souhaitent les réunir de nouveau, ce que j’ai moi-même longtemps défendu. Pourquoi pas ? Plus il y a de cloisons, plus le risque d’imperméabilité entre les institutions augmente. Le plus grand risque dans tout çà, c’est que personne n’assume ses responsabilités. Chacun rejette la faute sur l’autre, « C’est pas moi, c’est lui ». C’est d’autant plus dommageable que les responsabilités sont souvent partagées. Les firmes pharmaceutiques de leur côté doivent être loyales.
Il faut aussi se rappeler que la Commission de Transparence, en charge d’évaluer le service médical rendu, a réévalué le Médiator en 1999, puis en 2006. Elle s’était prononcée en faveur d’un déremboursement, cela n’a pas été suivi d’effet.
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