Le député UMP Jean-Pierre Door, rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le Mediator, vient de remettre son rapport à son président, le député socialiste Gérard Bapt. Ce document, dont le Quotidien dévoile les grandes lignes , devait être adopté hier par les membres de la mission.
Reprenant une expression déjà utilisée par Xavier Bertrand lors de l’installation des Assises du médicament, le député du Loiret a souhaité calmer le jeu d’emblée. Au « Quotidien », il a précisé qu’il ne s’agissait pas dans ce rapport de faire « le grand soir de la sécurité sanitaire », et dans le préambule de son rapport, il insiste : « La réponse à ces défauts (du circuit du médicament) ne saurait se trouver (.) dans un bouleversement institutionnel, sous peine de remettre en cause certaines avancées réelles accomplies au cours des deux dernières décennies. Elle se trouve bien davantage dans la réorganisation de chaque autorité pour lui permettre d’atteindre ses objectifs, ainsi que dans le dialogue de ces autorités entre elles ».
Le ton est donné, Jean-Pierre Door n’en changera pas, au risque de faire passer pour un peu tiède ses suggestions, au regard de certaines propositions décapantes parfois mises en avant ici où là depuis le début de l’affaire.
Clarifier et préciser les responsabilités
Pas de bouleversement majeur donc du périmètre des agences, ni de fusion, dans les propositions formulées. En revanche, la mission, qui a soigneusement étudié leur fonctionnement, à la faveur des 106 responsables d’organismes ou de personnes interrogées au cours des 21 séances d’auditions, formule des recommandations assez précises pour améliorer le circuit du médicament, le système d’autorisation de mise sur le marché, la pharmacovigilance, et la confiance des Français vis-à-vis des acteurs du système de santé. Comme le précise Jean-Pierre Door, son souci a été d’éviter « l’écueil qui aurait consisté à appliquer au dispositif actuel une grille de lecture construite à partir de dysfonctionnements qui se sont produits il y a quinze ou vingt ans ».
« Disons-le d’emblée, poursuit-il, les risques de renouvellement d’une pareille affaire sont heureusement des plus faibles. Pour autant, l’intégralité du circuit du médicament doit être revue pour en renforcer la sécurité ».
• Le rapport propose tout d’abord de « clarifier les responsabilités des agences ». Cela suppose tout d’abord de mettre en place un financement direct de l’AFSSAPS sous forme de subventions de l’Etat, « celui-ci percevant en lieu et place de l’agence les taxes et redevances des laboratoires ».
Toujours au sein de l’AFSSAPS, il suggère de rapprocher les commissions d’AMM et de pharmacovigilance, en favorisant des réunions communes régulières. Et à la différence notable du rapport Debré-Even, qui prônait de réduire drastiquement le nombre des experts, Jean-Pierre Dorr propose d’augmenter le nombre des experts internes de l’AFSSAPS, d’en valoriser la fonction et de « clarifier leur rôle par rapport aux évaluateurs externes ».
Moins de pouvoirs pour la commission de la transparence
Mais surtout, il suggère de confier à la HAS « les tâches actuellement dévolues à la commission de la transparence » (chargée d’évaluer les médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché et de proposer leur remboursement), celle-ci n’étant plus appelée qu’à émettre des propositions en matière de SMR et d’ASMR, que le collège de la HAS adoptera ou non.
Au rayon des liens d’intérêts, le rapport est partisan de mettre en ligne toutes les informations relatives aux liens entre les médecins et l’industrie pharmaceutique, et aux financements accordés aux colloques, congrès et sociétés savantes. Il recommande d’engager des poursuites pénales contre ceux qui se soustrairaient à ces obligations. Enfin, pour favoriser la communication entre les agences de santé et les autorités de santé, Jean-Pierre Door préconise des réunions régulières entre la DGS (direction générale de la santé) et les directeurs de l’AFSSAPS, de l’INVS, de la CNAM, sans oublier un représentant du ministère de la Santé et les présidents des plus importantes commissions (AMM, pharmacovigilance et Transparence).
Un dispositif d’AMM plus sévère
• Au chapitre du système d’autorisation de mise sur le marché, le rapport parlementaire invite à ne plus délivrer d’AMM « qu’en cas d’amélioration du service médical rendu par rapport aux traitements existants ». Il demande en outre une réévaluation régulière de la balance bénéfice/risque de tous les médicaments, la suspension d’une AMM « en cas de non-respect des délais impartis aux labos pour mener leurs études », et l’obligation pour un médecin, en cas de prescription hors indications, d’inscrire explicitement sur l’ordonnance la mention « hors AMM ».
•En matière de pharmacovigilance, le rapport propose d’augmenter les moyens humains et financiers des centres régionaux, et de faciliter la notification des effets indésirables par la création d’une fiche de pharmacovigilance simplifiée, « pouvant être remplie en quelques minutes ». Il invite aussi à lancer davantage d’études de cohorte et de développer les études pharmacoépidémiologiques à partir des bases de données hospitalières ou de l’Assurance-maladie. Il souhaite enfin faire obligation à un laboratoire commercialisant un produit en France d’informer les autorités sanitaires du retrait de ce même médicament dans un autre pays, si cela s’est produit.
• Dernier chapitre, et non des moindres, « la restauration de la confiance des acteurs du système de santé ». Dans ce chapitre un peu fourre-tout, Jean-Pierre Door propose de donner plus de place à la pharmacovigilance dans la formation universitaire, de mieux former les visiteurs médicaux sur le plan scientifique, et d’imposer la prise en compte d’indicateurs de qualité dans le calcul de leur rémunération.
Il suggère également de développer les logiciels d’aide à la prescription, en y intégrant des informations relatives au SMR et à l’évaluation médico-économique des médicaments. Il recommande aussi d’améliorer l’information en ligne des médecins pour ce qui concerne les médicaments sous surveillance, d’améliorer l’éducation thérapeutique des patients, et même de donner aux praticiens la possibilité de porter sur les ordonnances des prescriptions non allopathiques comme la pratique du sport ou un régime alimentaire précis.
Enfin, le rapport propose de confier à l’IGAS la mission d’évaluer les conséquences des réformes prochainement engagées sur le système du médicament.
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