Neuropathie diabétique périphérique

Une microangiopathie à combattre

Publié le 15/04/2011
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Crédit photo : BSIP

LA NEUROPATHIE diabétique périphérique typique est une polyneuropathie sensitivo-motrice, longueur dépendante, attribuable à des altérations métaboliques et microvasculaires résultant de l’exposition à une hyperglycémie chronique et à des facteurs de risque cardio-vasculaires (CV) associés. La coexistence d’une rétinopathie et d’une néphropathie conforte l’origine diabétique de la neuropathie. Ses déterminants sont multiples : ancienneté du diabète, évolution du contrôle glycémique, âge, taille (les sujets de grande taille ont une plus grande susceptibilité du fait de la longueur des fibres nerveuses) ; facteurs de risque CV : HTA, tabac, dyslipidémie (augmentation des triglycérides), surpoids ; alcool, faible niveau socio-économique, malnutrition ; insuffisance rénale et artériopathie oblitérante des membres inférieurs. C’est une complication précoce. Des études ont montré une prévalence de 6 à 10 % de neuropathie au moment du diagnostic de diabète de type 2 (sur des critères électrophysiologiques). Des altérations de la conduction nerveuse peuvent même être observées chez des sujets intolérants au glucose (prédiabète) et chez des obèses non diabétiques.

Une neuropathie multiforme.

Sa symptomatologie varie en fonction du type de fibres atteintes : les grosses fibres myélinisées A ß assurent la sensibilité au toucher, à la pression et aux vibrations ; les petites fibres myélinisées A d interviennent dans la perception de la douleur et de la température (seuil au froid) et les petites fibres non myélinisées C dans celle de la douleur et de la température (seuil au chaud). Les plaintes des patients peuvent donc être à type de douleur, brûlure, serrement, crampe, étirement, écrasement… Les signes sont dits « positifs », hyperalgésie, dysesthésies (paresthésies douloureuses), allodynie (perception d’une douleur pour un stimulus qui normalement n’est pas douloureux), ou « négatifs », hypoalgésie, analgésie, hypoesthésie, abolition des réflexes.

Les outils d’évaluation des déficits ont un intérêt éducatif au quotidien car plusieurs altérations sont prédictives d’ulcération des pieds. On recherchera une hypoesthésie au tact (test du monofilament), à la piqûre, aux vibrations (diapason), au chaud et au froid, ainsi que les troubles trophiques. Les déficits moteurs qui s’expriment par une abolition des réflexes et une diminution de la force musculaire sont exceptionnels.

Le MNSI (Michigan Neuropathic Screening Instrument) est un bon test de screening. Il inclut différents paramètres (apparence du pied, présence d’une ulcération, réflexes achilléens, perceptions des vibrations ou d’un monofilament). Un score de 2,5/10 est compatible avec une neuropathie périphérique. D’autres techniques sont utilisées en recherche clinique. Ainsi, le Neurometer® permet d’évaluer le seuil de perception et le type de fibres sensitives stimulées. La fréquence du courant appliqué sur la zone cutanée correspond à des fibres de différent calibre.

La neuropathie des petites fibres.

Les lésions des petites fibres, atteintes précocement, sont responsables des symptômes de la neuropathie douloureuse, de l’altération de la fonction sudomotrice et de la perception thermique et douloureuse. Elles jouent un rôle clé dans les ulcérations du pied. Pour la diagnostiquer, la mesure de la vitesse de conduction nerveuse n’est pas un bon test car elle évalue la fonction des grosses fibres et est faiblement corrélée avec la conduction dans les petites fibres. Pourtant ces dernières représentent 60 à 80 % des fibres nerveuses périphériques. La fonction des petites fibres est évaluée par :

-l’évaluation quantitative des seuils de perception thermique et douloureuse ;

-la stimulation des fibres nociceptives C qui entraîne la libération de substance P et de CGRP (Calcitonin Gene Related Peptide) responsable d’une vasodilatation locale mesurable au laser-Doppler ;

-la dysfonction sudomotrice – le test de référence est le QSART (Quantitative Sudometer Axon Reflex Testing) qui mesure la réponse sudorale locale en réponse à de l’acétylcholine administrée par iontophorèse. C’est un test assez difficile à réaliser. Une alternative est le test Neuropad® qui consiste à appliquer un tampon imprégné d’un indicateur visuel changeant de couleur en fonction de la sudation locale ;

-l’évaluation histopathologique (biopsie cutanée) – mesure de la densité épidermique des petites fibres corrélée positivement avec l’intensité de la douleur et négativement aux seuils de perception thermique au chaud et au froid. Ce test peu invasif est une alternative à la biopsie du nerf sural dans les essais thérapeutiques.

Un autre test en développement est la microscopie confocale cornéenne qui détecte la perte de petites fibres sensitives cornéennes corrélée avec la perte de fibres épidermiques et à la sévérité de la neuropathie.

La douleur neuropathique.

« La douleur et les autres symptômes positifs associés à la douleur (paresthésies) sont un signe d’appel pour détecter une neuropathie, en limiter la progression et prévenir les complications » estime le Pr Paul Valensi. La douleur est présente chez 50 % des diabétiques ayant une neuropathie et a de multiples expressions. Les symptômes distaux symétriques atteignent parfois l’ensemble du membre inférieur ou de la main. Ils prédominent la nuit, gênent le sommeil et sont responsables d’une réduction des activités quotidiennes. Ils génèrent anxiété et dépression, ont des conséquences psychosociales et altèrent la qualité de vie.

Le diagnostic doit être évoqué en l’absence d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, de pathologie rhumatologique, de canal lombaire étroit ou d’autre cause de neuropathie. Les douleurs peuvent disparaître quand l’atteinte sensitive s’aggrave. Une douleur neuropathique aiguë peut survenir lors d’une amélioration glycémique rapide sous insuline, sous antidiabétique oral ou lors d’un grand déséquilibre glycémique. Le questionnaire DN4, largement utilisé en France permet d’identifier :

1) les caractéristiques des douleurs ;

2) les symptômes positifs associés ;

3) les signes de déficit ;

4) l’allodynie.

Un seul critère sur les quatre signe la douleur neuropathique. La sévérité des douleurs est ensuite évaluée grâce à des échelles numériques (type EVA), des échelles de qualité de vie et des échelles appréciant l’impact sur l’humeur.

D’après la communication du Pr Paul Valensi (Bondy).

YVONNE EVRARD
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8944