Éducation thérapeutique du patient

Une évaluation des méthodes s’impose

Publié le 15/04/2011
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Reprenant le Code de la santé publique, la Haute Autorité de santé précise que « l’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient » et qu’elle a pour finalité « de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie ». D’autres actions « ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie » et les programmes d’apprentissage « ont pour objet l’appropriation par les patients des gestes techniques permettant l’utilisation d’un médicament. ».

Les décrets fixant les modalités d’autorisation des programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) par les Agences régionales de santé (ARS) ont prévu des résultats fondés sur des critères de jugement définis a priori, ainsi qu’une évaluation. Celle-ci tente de mesurer les effets du programme et évalue « ce que les patients ont appris sur leur maladie, les principes du traitement, le raisonnement clinique, la prise de décision ». L’ensemble de ces éléments est distinct de ce que les patients ont acquis en termes de compétences, mais aussi de ce qu’ils ont pu mettre réellement en œuvre dans leur vie quotidienne, de ce qui a changé dans leur état de santé et dans leur vie quotidienne.

L’objectif de l’évaluation est globalement destiné à savoir si les résultats obtenus à l’issue d’un programme d’ETP sont conformes aux objectifs, s’ils sont en rapport avec les moyens mobilisés à cet effet et s’ils sont utiles, adaptés et cohérents.

Une action sur le patient et sur le soignant !

Ces évaluations sont toutefois difficiles à mettre en œuvre. À titre d’exemple, une étude comparative prospective a cherché à évaluer l’impact d’un programme interventionnel indépendant de la prise en charge médicale classique sur l’adhésion aux traitements antirétroviraux chez les patients séropositifs pour le VIH (1). Elle peut servir de fondement à la réflexion. En effet, ses résultats tendent à valider la démarche d’ETP, malgré de nombreuses difficultés.

Dans ce travail, 122 patients séropositifs ont été aléatoirement assignés à un groupe témoin avec suivi normal ou à un groupe intervention. Les sujets du groupe comportant un suivi traditionnel étaient suivis normalement par leur médecin en fonction des souhaits et des nécessités du moment. Dans le groupe intervention, ils ont assisté à des sessions de conseils et d’éducation spécifiques, non obligatoires, d’une durée d’environ une heure, portant sur les facteurs d’adhésion au traitement.

Si l’étude semble valider le concept d’éducation et de conseils des patients, les auteurs soulignent la difficulté de mise en œuvre du programme. Ils rappellent également qu’il n’est pas toujours aisé d’évaluer l’adhésion thérapeutique. Enfin, sur le plan de l’interprétation, il convient de savoir si les résultats positifs obtenus sont expliqués par le programme d’ETP ou par des paramètres psychologiques comme une augmentation de l’empathie des soignants ou une meilleure relation soigné-soignant, qui interviendrait à près de 75 % dans l’efficacité thérapeutique…

L’entretien motivationnel améliore les comportements de santé.

L’entretien motivationnel est une méthode de communication centrée sur le patient qui s’insère au sein d’un projet d’ETP. Il s’agit d’un outil dont l’intérêt a été démontré dans les situations où ambivalence et motivations sont au cœur des processus de changement. Il permet d’obtenir une amélioration des comportements de santé. Une revue récente de quatre métaanalyses ayant porté sur 119 essais cliniques a montré que cette méthode augmente de 15 % l’adhésion au traitement (2).

Cette approche motivationnelle a pour objectif le changement. Le processus qui la sous-tend est complexe. Il s’inspire du modèle élaboré par Prochaska et DiClemente, lequel définit les cinq grands stades évolutifs de la « maturation décisionnelle » aboutissant à une modification du comportement (non-motivation, réflexion, préparation, action et maintenance) tout en respectant quelques principes de communication : témoigner de l’empathie, qui facilite le changement, créer une « dissonance cognitive », éviter d’argumenter, ne pas s’opposer à la résistance et favoriser la compétence personnelle (3).

D’après les communications de Catherine Tourette-Turgis (Rouen) et Aline Lasserre Moutet (Genève), symposium 2 « Éducation thérapeutique ».

(1) Pradier C et coll. Efficacy of an educational and counseling intervention on adherence to highly active antiretroviral therapy: French prospective controlled study. HIV Clin Trials 2003;4 (2):121-31.

(2) Lundahl B, Burke BL. The effectiveness and applicability of motivational interviewing: a practice-friendly review of four meta-analyses. J Clin Psychol 2009;65(11):1232-45.

(3) Prochaska J et coll. In search of how people change: applications to addictive behaviors. Am Psychol 1992;47:1102-14.

 Dr GÉRARD BOZET

Source : Le Quotidien du Médecin: 8944