Reçus au ministère, les médecins libéraux accueillent froidement l’avant-projet de loi Touraine

Publié le 03/07/2014

Les syndicats de médecins libéraux sont sortis très remontés de leur réunion de concertation sur le projet de loi de santé, organisée mercredi à Paris par le ministère de la Santé.

Cette réunion avait pour but de présenter aux professionnels de ville (après les cliniques) les premiers éléments du projet de loi, dont les grandes orientations ont été annoncées le 19 juin par la ministre de la Santé.

La phase de concertation doit se tenir jusqu’à mi-juillet. Le texte doit ensuite être transmis au Conseil d’État, puis présenté en Conseil des ministres à la rentrée. Le Parlement doit à son tour l’examiner au premier semestre 2015.

Ambiance glaciale

Le ministère a précisé aux médecins libéraux le calendrier. Il a également dévoilé le contenu du volet « prévention » de la loi, dans une ambiance glaciale, aux dires des invités, refroidis par une présentation « PowerPoint » qui a laissé peu de place au débat. Aucun nouveau projet de texte ne leur a été transmis.

Concrètement, il a été question de simplifier l’accès des élèves à la contraception d’urgence dans les établissements scolaires du second degré. La prescription de l’IVG médicamenteuse serait étendue aux sages-femmes.

Afin de faciliter l’accès à la vaccination, le ministère veut donner aux pharmaciens la possibilité de délivrer, voire d’administrer certains vaccins. Il compte aussi élargir les compétences des sages-femmes en la matière (rattrapage des vaccinations du conjoint).

Inquiets de voir l’acte de vaccination fragmenté entre plusieurs professions, MG France et la Fédération des médecins de France (FMF) ont proposé que les médecins généralistes aient la possibilité de stocker des vaccins dans leur cabinet médical, afin de vacciner leurs patients dans le cadre des consultations.

Remake de la loi Bachelot

Le volet relatif au parcours de santé du patient n’a été qu’effleuré. Une seconde réunion est programmée le 9 juillet pour entrer dans le vif du sujet.

Le projet comprend plusieurs sujets sensibles. Il prévoit l’interdiction des dépassements d’honoraires dans le cadre du service public hospitalier, l’extension du parcours de soins coordonné aux enfants de moins de 16 ans, la généralisation du tiers payant et la mise en place du dossier médical partagé (DMP) sous la houlette de l’assurance-maladie.

Les professionnels libéraux n’ont pas attendu la semaine prochaine pour monter au créneau.

La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) n’a pas de mots assez forts pour dénoncer un « remake de la loi Bachelot », qui instaure la « tentacularisation de l’hôpital chargé de la mise en œuvre du service territorial de santé au public, premier pas vers la fin de la liberté d’installation et du libre choix de son médecin par le patient ».

La CSMF s’insurge aussi du « rétablissement de la PDS obligatoire pour obtenir des autorisations de matériel lourd », du « démantèlement de la convention médicale et du conventionnement individuel des médecins par les ARS », aux rôles désormais renforcés par « l’instauration d’une maîtrise comptable au niveau des régions ».

« Une bonne dose de verbiage ou de phraséologie »

« On se moque de nous, rugit en écho le Dr Roger Rua, président du Syndical des médecins libéraux (SML). Nous rejetons en bloc le contenu du projet de loi ainsi présenté, similaire à un pur produit d’agence de communication. Cette réunion n’était en rien une concertation ! On veut nous imposer un service public fermé aux libéraux et une médecine administrée. C’est non ! »

Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, n’est pas plus enthousiaste : « A aucun moment il n’a été question du maintien du tissu libéral sur l’ensemble du territoire. On a préféré nous administrer une bonne dose de verbiage ou de phraséologie, au choix ».

Pour sa part, le Dr Claude Leicher s’est dit « choqué » sur la forme : « Dans cette présentation, on ne trouve écrit que deux fois "médecin traitant", nulle part "médecin généraliste" ». Sur le fond, le président de MG France ne cache pas son scepticisme sur la définition du service public hospitalier. « Nous sommes d’accord pour recentrer l’organisation du système de santé sur les soins primaires. Par contre, il n’est pas question d’accepter en lieu et place une version administrée de l’ambulatoire ».

Anne Bayle-Iniguez

Source : lequotidiendumedecin.fr
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