Déçus par Valls, les médecins durcissent la fronde contre la loi de santé

Publié le 19/03/2015

Crédit photo : S TOUBON

La rencontre entre Manuel Valls et les syndicats d’étudiants, d’internes, de chefs de clinique et de médecins libéraux ce jeudi à Matignon, n’a pas permis de calmer la colère médicale contre le projet de loi de santé.

Cet entretien d’une heure, auquel a participé Marisol Touraine, a été décidé à la dernière minute dans un contexte politique tendu, juste après le vote de l’article généralisant le tiers payant par les députés de la commission des affaires sociales.

Les médecins étaient conviés à échanger sur le projet de réforme et sur la future conférence de la santé annoncée par Manuel Valls il y a dix jours.

Le Premier ministre a confirmé que le tiers payant généralisé serait « évidemment maintenu » dans le texte de loi, « dans une version simple » et avec des « garanties » de la part de l’assurance-maladie.

« Nous restons ouverts sur les modalités techniques pour que la simplicité [du dispositif, NDLR] soit garantie », a insisté Manuel Valls, assurant de son « soutien » Marisol Touraine, muette à ses côtés.

Une journée Santé morte le 31 mars

Ces annonces n’ont en rien rassuré les médecins, qui sont montés au créneau à l’unisson.

« Nous ne sommes toujours pas d’accord avec le contenu du projet de loi de santé », a réagi le Dr Claude Leicher, président de MG France. Le médecin généraliste rejette l’obligation – à terme – d’appliquer le tiers payant intégral à tous les patients « alors que les modalités techniques ne sont toujours pas satisfaisantes ».

Faute de garanties suffisantes, la profession se dirige « probablement vers une confrontation avec le gouvernement », a-t-il commenté.

Le Dr Jean-Paul Ortiz a estimé pour sa part que « la réponse du premier ministre [continuer la concertation dans le cadre d’une conférence santé, NDLR] n’est pas à la hauteur du malaise exprimé dimanche dernier par les professionnels de santé ».

« Le tiers payant était une possibilité, c’était devenu un droit, a assené le président de la CSMF. Or, un droit, c’est une obligation et cela se respecte. Nous n’en voulons pas. »

Dans la foulée de la réunion à Matignon, la CSMF a durci sa position, qualifiant la proposition du Premier ministre « d’insulte à tous les médecins de terrain » et de « mépris à l’égard du métier ». La Confédération est passée d’une demande de « réécriture » du projet de loi à un « abandon » pur et simple. Le syndicat appelle les libéraux et les futurs médecins à participer à une journée Santé Morte (arrêt de toute activité) le 31 mars, date du début de l’examen du projet de loi de santé en séance publique à l’Assemblée nationale.

Par cette action, les confédérés rejoignent la ligne dure du SML et de la FMF, qui réclament depuis plusieurs semaines le « retrait » du projet de loi. Droits dans leurs bottes, les deux présidents de syndicats ont respectivement raillé la reprise du dossier par Matignon, le Dr Éric Henry évoquant de la « poudre aux yeux » et le Dr Jean-Paul Hamon une « belle opération de communication ».

Également reçus par Manuel Valls, les internes de médecine générale (ISNAR-IMG) n’ont pas levé leur préavis de « grève nationale totale » (urgences et gardes) prévu le 25 mars, a confirmé leur président Pierre-Antoine Moinard.

Point d’étape après le vote à l’Assemblée

Cette rencontre a également permis au Premier ministre de présenter aux médecins la future conférence de santé comme une nouvelle phase de concertation qui pourrait « compléter » la loi de santé après son vote. Manuel Valls espère ainsi amener les professionnels à voir au-delà de la loi de santé.

« Si ce projet de loi est un des éléments de l’édifice "Stratégie nationale de santé", il faut désormais aborder la deuxième étape », a confié Manuel Valls aux professionnels. Les 45 organisations syndicales du mouvement pour la santé de tous se sont dites « estomaquées » d’avoir été écartées de ce rendez-vous.

Cercle de réflexion global où seront conviés l’ensemble des acteurs du monde de la santé, cette conférence abordera d’une part « l’avenir du métier médical et paramédical » (formation, métiers, compétences partagées), d’autre part « l’exercice du métier libéral et hospitalier » (modes d’installation et d’organisation, modalités de coopération interprofessionnelles et territoriales, et les conséquences sur les modes de rémunération).

La présidente du syndicat des internes (ISNI) Mélanie Marquet s’est réjouie de la tenue de cette conférence. « Nous sommes plus dans l’ajout de propositions à la faveur de cette conférence que sur la contestation des articles de loi » a-t-elle indiqué.

La préparation de la conférence sera confiée au Pr Lionel Collet, conseiller d’État et Anne-Marie Brocas, qui a piloté le groupe de travail sur la généralisation du tiers payant.

La date de cette grand-messe devrait être fixée lors d’un nouveau point d’étape que Manuel Valls a prévu avec les professionnels, après le vote à l’Assemblée nationale de la loi de santé.

Anne Bayle-Iniguez

Source : lequotidiendumedecin.fr
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