LE QUOTIDIEN – Quels sont les enjeux du congrès de Nantes ? Le monde mutualiste n’a-t-il pas la gueule de bois, trois ans après l’élection de François Hollande ?
ÉTIENNE CANIARD – Le monde mutualiste est déterminé ! En 2012, entendre le Président de la République promettre de généraliser la complémentaire santé pour 2017, parce que la Sécurité sociale ne suffit plus pour accéder aux soins, fut une révolution. Cela reste notre objectif. Trois ans après, des avancées doivent être saluées dont la mise en place des contrats responsables intégrant des critères qualitatifs. En revanche, la généralisation de la complémentaire santé reste incomplète : on a conforté une population déjà couverte à 90 % – les salariés – en oubliant les retraités, les chômeurs de longue durée, les jeunes en difficulté d’insertion.
Surtout, l’ensemble des dispositifs d’aide à l’accès à la complémentaire santé (CMU-C, ACS, contrats collectifs...) a abouti à un système illisible, cause de ruptures et d’effets de seuil, avec des règles économiques et fiscales différentes. Je propose de remettre à plat tous ces dispositifs, sans coût supplémentaire pour l’État, afin de lisser l’accès à la complémentaire santé tout au long de la vie de l’assuré.
Ne s’agit-il pas surtout de conforter l’assise financière des mutuelles santé qui perdent du terrain ?
Non. Les mutuelles restent les leaders de la complémentaire santé avec 54 % de parts de marché. Aujourd’hui, la concentration de notre secteur est spectaculaire avec 450 mutuelles en 2015, soit deux fois moins qu’en 2008. L’augmentation des parts de marché des bancassureurs est la caractéristique majeure du marché depuis quelques années. Quant à l’ANI [qui prévoit la complémentaire pour tous les salariés dès 2016], c’est une pression concurrentielle mais la Mutualité s’adaptera car elle est le premier opérateur en contrats collectifs avec 36 % de parts de marché.
Les complémentaires travaillent à une solution commune sur le tiers payant généralisé. Comprenez-vous les craintes des médecins ?
Le tiers payant ne mérite ni excès d’honneur, ni indignité. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga de la réforme du système de santé, pas davantage le symbole de la fin de la médecine libérale. Ce qui m’intéresse, c’est le résultat : pour le professionnel de santé, ce sera zéro tâche administrative supplémentaire et la garantie de paiement. Nous nous y engageons ! Nous démontrerons que cela fonctionne, il ne s’agit pas d’une bataille idéologique.
Nous voulons proposer un dispositif simple : l’assuré social arrive avec sa carte Vitale, le logiciel du médecin interroge automatiquement les régimes obligatoires et le serveur d’ouverture des droits en ligne des complémentaires. Dès lors que l’ouverture des droits est attestée, il y aura une garantie de paiement, comme chez le commerçant avec la carte bleue.
Le tiers payant ne mérite ni excès d’honneur, ni indignité
Sur le tiers payant, le projet de loi de santé confie les manettes à l’assurance-maladie et prévoit un flux unique de paiement...
Le flux unique, ça ne veut rien dire. Il y a bien deux financeurs distincts, garants chacun de leurs engagements, les régimes obligatoires d’un côté et les complémentaires de l’autre. Que les professionnels veuillent avoir un relevé unique d’information sur le paiement avec un recollement des deux flux pour ne pas avoir à vérifier, oui, ils ont raison ! Je le redis, nous travaillons avec l’assurance-maladie à une solution simple et complète : garantie de paiement du médecin, interlocuteur unique chez les complémentaires, pas d’opération supplémentaire pour vérifier les droits, information unique sur le paiement. Il y aura une phase de test en 2016. En 2017, le tiers payant fonctionnera et ma conviction est qu’on n’en parlera plus. Les médecins eux-mêmes préféreront faire le tiers payant pour tout le monde.
La Mutualité milite pour inclure les médecins libéraux dans les réseaux de soins. Quel type de contractualisation imaginez-vous ?
Attention à la sémantique ! Les réseaux, degré le plus contraignant de la contractualisation, véhiculent l’idée d’un enfermement. Ils n’existent qu’en optique où l’offre est très excédentaire.
Avec les médecins en revanche, la question d’un conventionnement sélectif ne se pose pas. Je préfère le principe d’engagements réciproques, y compris pour mieux rémunérer certains actes. Aujourd’hui, il n’y a pas assez de corrélation entre les tarifs, parfois fictifs, et les pratiques. Nous devons donc discuter avec les médecins du juste prix des prestations. Les compléments d’honoraires doivent correspondre à des pratiques qui méritent d’être payées davantage – protocoles, qualité, travail coopératif, tenue de dossiers, transmission d’informations... Je propose de remettre à plat la politique conventionnelle, dans le cadre d’un accord national négocié avec les médecins, en poursuivant l’objectif d’un reste à charge nul pour les patients. Nous voulons aussi développer le conventionnement dans les maisons de santé mutualistes. Je ne comprends pas ce qui gêne les médecins, ils ont intérêt à cette solvabilisation.
Quel jugement portez-vous sur le contrat d’accès aux soins issu de l’avenant 8 ?
Nous voulions une vraie solution de maîtrise globale des dépassements d’honoraires, qui permette de réorienter nos remboursements sur les médecins adhérents au contrat d’accès aux soins. Or, on a laissé prospérer le secteur II ! Dans ce contexte dérégulé, l’engagement de remboursement aveugle des mutuelles, sans contrepartie, aurait été facteur d’augmentation des cotisations. C’est pourquoi il faut se remettre autour de la table. Je suis prêt à discuter dans le cadre de négociations tripartites mais aussi dans le cadre d’accords bilatéraux.
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