Il est bien établi que les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) présentent un risque accru de maladies cardiovasculaires (CV), notamment de coronaropathie, mais aussi d’insuffisance cardiaque (1). Le risque CV dans la PR est ainsi estimé entre 1,5 et 2 fois plus important que pour la population générale.
L’athérosclérose qui concerne la majorité des évènements CV survient plus précocement et se développe plus rapidement en cas de PR.
Une corrélation entre risque CV et activité de la maladie
« Certes, les patients souffrant de PR présentent, plus fréquemment, de nombreux facteurs de risque CV, en particulier le tabagisme, l’obésité, l’HTA, le diabète… Mais cela n’explique pas totalement le surrisque CV observé dans la PR. En fait, des études récentes ont montré qu’il existait une corrélation entre le risque CV et l’activité de la maladie et donc le niveau d’inflammation clinique et biologique », explique le Dr Pierre-Antoine Juge.
L’inflammation systémique chronique joue en effet, un rôle prépondérant sur la survenue de l’athérosclérose et sur la contractilité cardiaque.
Les mécanismes physiopathologiques qui rentrent en jeu sont actuellement mieux compris. Les cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL-1 et IL-6) contribuent, entre autres, à l’inflammation vasculaire et favorisent la rupture des plaques d’athérome. Elles favorisent la différenciation des monocytes en macrophages spumeux ainsi que la prolifération des cellules musculaires lisses. À cela s’ajoutent une modification quantitative et qualitative des lipides et une dysfonction endothéliale (perte de l’homéostasie vasculaire et modification du tonus vasculaire).
Les DMARDs bénéfiques
Les traitements de fond immunomodulateurs (DMARDs) réduisent indirectement le risque CV en contrôlant l’inflammation systémique. Les études cliniques confirment le rôle de l’activité du rhumatisme et démontrent l’impact bénéfique des DMARDs sur le risque CV avec une réduction d’environ 30 % sous MTX et anti-TNFα.
Tous les traitements pourraient être efficaces, comme l’a confirmé une étude menée chez des patients en échec de méthotrexate, pour lesquels a été introduit soit un anti-TNF soit une association MTX/HCQ/SSZ (2). Afin d’estimer le risque d’évènements CV, les auteurs ont mesuré l’inflammation artérielle par PET scan à T0 et S24. Les résultats ne montrent pas de différence entre les deux bras concernant la diminution de l’inflammation vasculaire qui semblait plutôt corréler avec l’activité de la maladie (DAS28).
« Quel que soit le traitement, on diminue l’inflammation et le risque CV. Reste à savoir, si avec notre arsenal thérapeutique permettant une mise en rémission plus facile et rapide, le surrisque CV devient nul… Les études ne l’ont pas encore vraiment démontré. Les données préliminaires d’une étude de registre des hommes vétérans américains atteints de PR semblent le mettre en évidence, mais elles nécessitent confirmation. La normalisation du risque CV reste à prouver en considérant l’éventuelle existence de facteurs indépendants de l’inflammation comme les anticorps anti-peptides citrullinés (ACPA) ainsi que les conséquences d’une inflammation minime résiduelle chez les patients considérés en rémission », précise le spécialiste.
De plus, on peut se poser la question, de l’impact direct des différents DMARDs sur le risque CV. Les inhibiteurs de JAK, en particulier, ont fait l’objet d’une attention particulière dans l’étude ORAL surveillance dont l’un des objectifs était d’étudier les répercussions cliniques de l’augmentation transitoire des taux sanguins de HDL et LDL cholestérol, observée à trois mois de traitement par tofacitinib (3). Par la suite, le taux d’incidence des évènements CV majeurs a été comparé dans le registre RABBIT en fonction du type de DMARDs. Chez les patients avec un risque CV élevé, en comparaison aux anti-TNF aucune différence n’était observée pour les JAKi, les autres biothérapies et les DMARDs conventionnels. « Même si une différence modeste sur la survenue d’évènements CV en fonction du type de DMARDs est suggérée par les études à l’échelon individuel, les bénéfices de la mise en rémission restent majeurs », souligne le Dr Pierre-Antoine Juge.
En conclusion, le risque CV est multifactoriel et le patient doit être considéré dans sa globalité. En plus, de cibler la rémission, le dépistage et la prise en charge des facteurs de risque CV habituels (tabac, HTA, dyslipidémie, obésité…) surreprésentés dans la PR ne doivent pas être négligés.
(1) Kawano Y et al. Arthritis Care & Research 2024;77(5):631-9
(2) Solomon DH, et al. Ann Rheum Dis. 2022 Aug 11;81(9):1323-9
(3) Ytterberg SR et al.. N Engl J Med. 2022 May 5;386(18):1768
(4) Meissner Y, et al. RMD Open 2023;9:e003489
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