Peut-on arrêter le dénosumab ?

Publié le 30/05/2025
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Alors que le risque de rebond est désormais bien établi, plusieurs études explorent les stratégies de prévention.

Après arrêt, une diminution de la DMO est constatée au rachis et au fémur

Après arrêt, une diminution de la DMO est constatée au rachis et au fémur
Crédit photo : Phanie

Le dénosumab (Dmab) est un anticorps monoclonal inhibiteur de la résorption osseuse employé dans plusieurs pathologies, notamment l’ostéoporose. Son utilisation entraîne une diminution du risque fracturaire, associée à une augmentation continue dans le temps de la densité minérale osseuse (DMO), avec un profil de tolérance satisfaisant après 10 ans d’utilisation.

Son arrêt s’envisage dans plusieurs situations, notamment en cas de non-réponse voire d’échec thérapeutique (dont la définition exacte reste à établir). En cas d’effets secondaires rares, une interruption transitoire peut aussi se justifier. Les recommandations du Grio proposent son arrêt en cas de cible densitométrique atteinte au site fémoral, en l’absence de fracture incidente.

Des ostéomorphes en embuscade

Dans ces situations, il est fondamental de garder à l’esprit le mécanisme de fonctionnement du Dmab qui, mimant l’effet de l’ostéoprotégérine, bloque la liaison du « receptor activator nuclear factor-κB ligand » (RANK-L) sur son récepteur RANK, exprimé à la surface des précurseurs ostéoclastiques et des ostéoclastes matures. Leur différentiation et leur activation sont ainsi inhibées. Ces ostéoclastes, plutôt qu’entrer en apoptose, peuvent fissionner en ostéomorphes, cellules filles ayant la capacité de fusionner à nouveau en ostéoclastes, qui vont s’accumuler lors du blocage de la voie RANK-L/RANK (1). Cette accumulation est une des pistes évoquées pour expliquer le phénomène de rebond, maintenant connu depuis plusieurs années.

Le rebond a d’abord une traduction biologique et densitométrique, comme rapportée dans l’étude randomisée contrôlée de Bone et al. (2), portant sur 332 femmes ménopausées ostéopéniques sans antécédent fracturaire traitées 2 ans par Dmab ou placebo puis surveillées 2 ans supplémentaires sans intervention thérapeutique. Dans le groupe traité par Dmab, durant le suivi post-interventionnel, les marqueurs du remodelage osseux (CTX et P1NP) s’élèvent fortement à 6 mois de la dernière injection et rejoignent les valeurs préthérapeutiques après un délai de 24 mois. En parallèle, une diminution de la DMO est constatée au rachis et au fémur avec un retour aux valeurs préthérapeutiques dans les 18 mois suivant la dernière injection. Ce rebond revêt également une expression clinique avec plusieurs séries de cas alertant sur la survenue de fractures vertébrales en cascade à l’arrêt du traitement (3,4). On comprendra donc l’importance de prévenir efficacement ce phénomène.

La rémanence dans le tissu osseux des biphosphonates (BPs) les a désignés comme de bons candidats à la prévention du rebond. En 2021, une étude rétrospective suisse s’est intéressée aux facteurs influençant la survenue de fractures vertébrales symptomatiques chez les patientes exposées au Dmab, suivies plus d’un an après l’arrêt du traitement. Parmi les 797 femmes incluses, traitées 35 mois en moyenne, les auteurs constatent que l’antécédent de fracture vertébrale expose au risque de fractures vertébrales multiples (FVM) (HR 5,34) tandis que l’utilisation de BPs avant et après Dmab protège de ce risque (HR de 0,10 et 0,006). Ils identifient également qu’un T-score à la hanche totale proche de - 1,5 est un facteur protecteur de FVM (HR 0,39) (5).

Limiter le rebond grâce au zolédronate

Concernant l’administration par voie orale, l’effet de 12 mois d’alendronate après un an de Dmab a été exploré dans l’étude DAPS, retrouvant un maintien de la DMO au rachis et au fémur, avec un risque conséquent d’inobservance (6). Ce risque est diminué par l’administration IV d’acide zolédronique (Zol) 5 mg, recommandée à 6 mois de la dernière injection de Dmab suite aux résultats de l’essai randomisé contrôlé en ouvert Zolarmab, comparant 3 délais de traitement chez 61 patientes exposées au Dmab. La perte de DMO se fait plus rapidement dans les groupes traités au-delà de 6 mois, sans différence à 2 ans sur la perte de DMO aux 2 sites, notamment chez les patientes exposées plus de 5 ans (7).
Cette perte est partielle, comme suggérée par les données de 282 femmes ménopausées, toutes traitées par une perfusion de Zol à 6 mois de l’arrêt du Dmab. Parmi ces patientes, 50 % l’ont reçu moins de 3,5 ans (durée courte), 30 % entre 4 et 6 ans (durée intermédiaire) et 20 % plus de 7 ans (durée longue). Quelle que soit la durée d’exposition, les auteurs constatent également cette perte à 1-2 ans de l’arrêt du Dmab, avec un gain net de DMO dans tous les groupes en comparaison aux valeurs préthérapeutiques, notamment « durée longue », sans différence significative entre les groupes « durée courte » et « intermédiaire » (8).

La nécessité et le délai d’un retraitement ne sont pas encore parfaitement établis. Les recommandations de l’ECTS proposent de considérer, chez les patientes à haut risque fracturaire ou exposées > 2,5 ans au Dmab, une seconde perfusion de Zol en cas d’élévation des CTX ou P1NP dosés à 3 et 6 mois de la première perfusion (9).

L’utilisation du tériparatide n’est pas conseillée en relais immédiat du Dmab, étant donné la perte rapide de DMO constatée aux sites corticaux. Les données sur le romosozumab, indisponible en France, indiquent un gain de DMO sans effet démontré sur la survenue de fractures.

(1) McDonald MM et al. Cell 2021;184(5):1330-47.e13
(2) Bone HG et al. J Clin Endocrinol Metab 2011;96(4):972‑80
(3)Aubry-Rozier B et al. Osteoporos Int 2016;27(5):1923‑5
(4) Anastasilakis AD et al. J Bone Miner Res 2017;32(6):1291‑6
(5) Burckhardt P et al. Journal of Bone and Mineral Research 2021;36(9):1717‑28
(6) Freemantle N et al. Osteoporos Int 2012;23(1):317‑26 
(7) Sølling AS et al. J Bone Miner Res 2021;36(7):1245‑54 
(8) Everts-Graber Jet al. Bone 2022;163:116498.
(9) Tsourdi E et al. The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism 2021;106(1):264‑81

 

Dr Arnaud Vanjak (Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris)

Source : Le Quotidien du Médecin