Allergènes émergents

Focus sur les isolats de blé

Publié le 29/05/2012
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Crédit photo : BSIP

LES ISOLATS de blé résultent d’une déamidation chimique ou enzymatique et d’une hydrolyse partielle du gluten ; pour les définir, les auteurs utilisent le terme de gluten déamidé, d’isolats ou d’hydrolysats de blé. Solubles dans l’eau et riches en protéines, les isolats de blé sont attractifs pour l’industrie alimentaire qui les utilise comme émulsifiants, épaississants et gélifiants, pour entrer notamment dans la composition de viandes reconstituées, et de charcuteries. On les trouve aussi dans certaines soupes et sauces industrielles et dans des pâtes sèches, ainsi que dans les vins comme clarifiants. Ils sont présents par ailleurs dans certains produits cosmétiques tels que des crèmes pour le visage, crèmes hydratantes pour le corps, shampooings et après-shampooings.

Anaphylaxie alimentaire sévère.

Treize cas d’anaphylaxie alimentaire sévère aux isolats de blé ont été identifiés par le réseau d’allergovigilance de Nancy, représentant 1,15 % de ces cas. Leur étude a permis de mieux caractériser cette allergie et d’en dissocier plusieurs phénotypes : allergie alimentaire isolée, cutanée puis alimentaire, et cutanée seule. Les femmes sont surtout atteintes mais, de façon étonnante, trois enfants ont également présenté ce type de réaction. La moyenne d’âge est de 29 ans (6-55 ans). Les manifestations sont essentiellement des réactions systémiques sévères (n = 8). Trois angio-oedèmes laryngés et un cas de choc anaphylactique ont été observés.

Plus de la moitié des patients n’avait aucun antécédent allergique alimentaire, quatre avaient présenté des épisodes d’anaphylaxie idiopathique, trois autres une urticaire et des angio-oedèmes récidivants. Une patiente avait rapporté une réaction de contact à des produits cosmétiques pouvant contenir des hydrolysats de blé.

Les aliments incriminés sont classiques : charcuterie (n = 7), jambon de porc ou de dinde reconstitués (n = 5) et pâtes sèches (n = 1). Tous les patients tolèrent parfaitement le blé naturel. Dans près de la moitié des cas, les patients ont un terrain atopique.

Distinction avec la farine naturelle.

Le diagnostic repose essentiellement sur les tests cutanés, avec des résultats positifs aux prick-tests pour les aliments industriels incriminés et négatifs pour les aliments naturels. La preuve est apportée par la positivité du prick-test à l’extrait d’isolat de blé (pour lequel il existe deux extraits commerciaux disponibles), alors que ceux pratiqués avec la farine de blé ou le gluten sont négatifs ou faiblement positifs.

Les données IgE spécifiques sont concordantes avec celles des tests cutanés. Le stade ultime de la confirmation est bien sûr la positivité au test de provocation orale pour l’hydrolysat de blé, lorsqu’il est possible de s’en procurer ; ce test sera négatif pour la farine de blé seule ou couplée avec l’effort, confirmant l’absence d’allergie à la farine naturelle.

Un travail en cours de publication* a rapporté six tests de provocation orale positifs à un hydrolysat de blé acide avec une dose réactogène moyenne d’1,5 g (0,44-2,2 g).

Pas d’étiquetage.

La prise en charge diététique de cette allergie alimentaire repose sur l’éviction, qui est difficile et délicate. Aucun étiquetage spécifique n’étant obligatoire, l’éviction est large, basée sur la mention « céréales contenant du gluten » ou « produits à base de céréales », selon la directive européenne.

Des problèmes vont-ils apparaître à l’avenir avec des aliments simples comme le pain ou les produits de panification ? Les industriels auraient l’intention d’introduire les isolats de blé dans les farines entrant dans la fabrication de ces produits, et peut-être comme substituts lactés ou dans les boissons hyperprotéinées. L’allergovigilance a un rôle important à jouer dans ce sens, mais sa tâche est rendue compliquée, d’autant que « la communication avec les industriels est très difficile voire quasi impossible », tient à souligner le Dr Codreanu.

D’après la communication du Dr Françoise Codreanu-Morel, service d’immuno-allergologie, centre hospitalier de Luxembourg (Luxembourg).

* Denery-Papini S, Moneret-Vautrin DA. Allergy ; en cours de publication.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9132