LA DERMATITE ATOPIQUE (DA) est une maladie inflammatoire de la peau qui touche 15 à 20 % des enfants dans les pays industrialisés. Les études néonatales, à partir de cohortes prospectives, ont permis de progresser, plus particulièrement sur la phase précoce, celle de l’initiation de la maladie, caractérisée par une perte en eau et des anomalies protéiques de la barrière cutanée, altération qui va conduire à la pénétration des molécules inflammatoires et des allergènes.
Une maladie de la barrière.
L’histoire évolutive de la dermatite atopique, retracée la première fois par Bieber (1) montre qu’il s’agit au départ d’une maladie de barrière, caractérisée par un épithélium anormal. Une sensibilisation allergénique IgE se produit secondairement, puis une augmentation des cellules T helper 2 (Th2), enfin la chronicisation de la maladie peut impliquer le rôle de superantigène du staphylocoque, ainsi qu’une maladie auto-immune.
L’importance de la perte insensible en eau, quantifiable par un capteur, semble être en relation avec la sévérité de la DA inflammatoire. Deux types d’anomalies seraient essentielles dans l’altération de la barrière cutanée observée dans la DA : celles des protéines de liaison des jonctions serrées (ou tight-junctions) et celles des protéines constitutives de la barrière superficielle, avec un rôle central apparent de la filaggrine.
Une étude récente met en en lumière le rôle des tight-junctions, dont la détérioration serait médiée en partie par un déficit d’expression des claudines, protéines qui interviennent dans ces liaisons (2). En outre, beaucoup de travaux ont porté sur les mutations de la filaggrine et montrent leur association aux maladies atopiques (DA, allergie à l’arachide, asthme associé à la DA…) et à la transition entre une maladie de barrière et une maladie IgE multi-organes et multi-symptômes.
Deuxième acteur, les allergènes.
Plusieurs travaux mettent en évidence l’importance de la voie d’introduction de l’allergène dans le risque de maladie IgE-dépendante et notamment le rôle sensibilisant de la peau. La voie cutanée s’ajouterait à la voie digestive et pourrait favoriser la sensibilisation, par exemple dans l’allergie aux protéines de lait de vache du jeune enfant, comme cela est observé dans la cohorte de naissance néerlandaise KOALA (3). Elle est également sensibilisante avec les pneumallergènes dans les deux cohortes indépendantes MAS (German Multicenter allergy Study) et COPSAC (Copenhagen Prospective Study on Asthma in Childhood) (4).
Un troisième acteur, l’immunité. On sait qu’une dysrégulation immunitaire est associée à l’eczéma, avec plusieurs manifestations dont une augmentation des IgE sériques et des cellules Th2. Les cohortes précédentes (4) illustrent l’implication d’une interaction entre les facteurs génétiques et environnementaux de l’immunité dans l’étiologie de la DA. Le risque de DA diffère en effet selon la présence d’un chat à domicile, avec un risque très augmenté chez les sujets porteurs d’une filaggrine mutée et possédant un chat, alors que chez les individus qui n’ont pas d’altération de la filaggrine, avoir ou non un chat n’a aucune incidence.
Les études de cohorte PASTURE (Protection against Allergy Study in Rural Environments) fournissent une explication de l’hypothèse hygiéniste et des résultats divergents issus des différentes études. On retrouve une moindre fréquence de la DA chez les enfants dont les mères avaient été en contact avec des animaux de ferme ou des chats pendant la grossesse. Il est montré qu’un déficit de l’immunité innée va favoriser la DA avec une interaction entre certains récepteurs toll-like (récepteurs de l’immunité innée) et les éléments de cet environnement fermé (5).
D’après la communication du Pr Jocelyne Just, allergologue, centre de l’asthme et des allergies à l’hôpital Armand Trousseau, Paris.
(1) Bieber T. N Engl J Med. 2008 3;358(14):1483-94.
(2) De Benedetto A et al. J Allergy Clin Immunol. 2011;127(3):773-86.e1-7. Epub 2010 Dec 15.
(3) Snijders BE et coll. Pediatrics. 2008;122(1):e115-22.
(4) Bisgaard H et coll. PLoS Med. 2008 24;5(6):e131.
(5) Roduit C et coll. J Allergy Clin Immunol. 2011;127(1):179-85, 185.e1. Epub 2010 Nov 26.
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