LA SITUATION a certes progressé : les prescriptions d’antibiotiques en médecine libérale ont bien diminué depuis les années 1980, de façon très nette pour les jeunes enfants (-54 % en 10 ans pour les moins de 30 mois), un peu moins pour les plus grands (-39 %). Dans les angines pharyngites, qui motivent 23 % des prescriptions d’antibiotiques, celles-ci ont été réduites de 37 % entre 2004 et 2011 chez les moins de 14 ans. Mais, dans le même temps, les consultations ont aussi diminué de 39 % ; le taux de prescription d’antibiotiques est donc resté constant (71 % en 2011). Cette surconsommation d’antibiotiques a des conséquences individuelles liées aux effets secondaires de ces médicaments, et collectives par leur coût et l’augmentation des résistances bactériennes qu’elles génèrent ; celle-ci devient très préoccupante pour certaines espèces comme Escherichia Coli.
La surconsommation d’antibiotiques tient à l’incertitude diagnostique entre infection virale et bactérienne et à la croyance, fausse, que toute infection bactérienne justifie la prise d’antibiotiques, alors même que la majorité des otites, sinusites et angines bactériennes guérit spontanément.
TDR : faciles à réaliser et fiables.
On dispose depuis près de 10 ans d’un test de diagnostic rapide (TDR) du streptocoque de groupe A (SGA) que l’assurance-maladie fournit aux médecins gratuitement sur demande. Ces tests, faciles à réaliser (1 minute 30 secondes de manipulation et moins de 8 minutes pour la lecture), ont une sensibilité de 90 % et une spécificité de 95 %. Pourtant, le TDR du SGA n’est utilisé que par un tiers des médecins et pour seulement un quart des angines diagnostiquées en France.
La démarche diagnostique et thérapeutique face à une angine de l’enfant devrait aujourd’hui être guidée par un certain nombre de données bien documentées. Le SGA est impliqué dans 30 à 40 % des angines. Les bénéfices des antibiotiques sont bien démontrés pour les seules angines à SGA : diminution du risque de rhumatisme articulaire aigu (RAA), des complications suppuratives, de la durée des symptômes et de celle de la contagiosité. Certains pays européens ont toutefois décidé de ne pas diagnostiquer et de ne pas traiter les angines à SGA considérant que le RAA n’est plus un problème et que les complications suppuratives peuvent dans la grande majorité des cas être traitées par antibiotiques. La clinique ne permet pas à elle seule de déterminer l’étiologie bactérienne ou virale d’une angine. Le score de Mac Isaac qui prend en compte l’âge, la température, l’existence d’une toux, d’un ganglion cervical douloureux, d’une atteinte amygdalienne, est peu fiable chez l’enfant. En cas de score bas, la probabilité d’une infection à SGA reste de 15 à 20 %. Pour un score élevé cette probabilité ne dépasse pas 60 %. Ainsi se fier uniquement à la clinique conduit dans le premier cas à ne pas traiter 15 à 20 % des enfants présentant une angine à SGA et dans le second cas à prescrire 40 % d’antibiotiques inutiles. En revanche, si l’on considère qu’un tiers des angines de l’enfant sont liées au SGA, pour un TDR positif la probabilité qu’un SGA soit impliqué dépasse les 90 % ; s’il est négatif la probabilité est faible, de l’ordre de 5 %. « Dans le contexte actuel de résistance aux antibiotiques, c’est une erreur médicale de prescrire des antibiotiques dans l’angine sans faire de TDR », indique le Dr Robert Cohen. Selon les dernières recommandations, les antibiotiques sont à proscrire dans les angines à TDR négatif ou lorsque celui-ci n’est pas réalisé.
« Les antibiotiques sont un capital précieux à préserver, plaide Robert Cohen. Il est important de limiter au maximum leur utilisation, de privilégier les moins sélectionnants et d’utiliser les bonnes doses (amoxicilline 50 mg/kg/j en deux prises pendant 6 jours dans l’angine). »
D’après la communication du Dr Robert Cohen (Centre hospitalier intercommunal de Créteil)
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