« Un larmoiement chez l’enfant n’est jamais normal, aussi faut-il toujours chercher la cause, en se fondant sur les signes associés – sécrétions claires ou purulentes, permanentes ou occasionnelles, œil rouge, photophobie, augmentation du volume de l’œil, etc. », souligne la Pr Claude Speeg-Schatz (Strasbourg). Il faut aussi rechercher un corps étranger, très fréquent chez l’enfant.
Se méfier des beaux yeux
Devant un larmoiement clair associé à une photophobie, un blépharospasme, de « trop grands yeux » doivent faire évoquer le glaucome congénital. Une telle suspicion nécessite impérativement un examen sous anesthésie générale pour mesurer tension oculaire, diamètre de la cornée, etc. Si le diagnostic est confirmé, la chirurgie est réalisée dans le même temps.
Chez l'enfant plus grand, l'oculométrie portable fait le diagnostic de glaucome en mesurant le tonus oculaire. La mégalocornée congénitale constitue un diagnostic différentiel du glaucome congénital, mais elle doit être surveillée à vie car elle prédispose au glaucome.
Conjonctivites, bénignes mais pas toujours
Des sécrétions mucopurulentes, un œil rouge, orientent vers une conjonctivite qui peut entrer dans un contexte d'obstruction congénitale du conduit lacrymonasal. Le reflux mucopurulent provoqué par la pression sur le sac lacrymal est très évocateur. La sténose des voies lacrymales peut être située plus haut, et se traduire alors par un mucocèle à l'angle interne de l'œil. Les imperforations des voies lacrymales évoluent spontanément vers la guérison dans 90 % des cas mais un sondage sous AG peut être nécessaire après un an si elles ne régressent pas, voire plus tôt si les infections persistent ou récidivent, ou à la demande des parents.
Les conjonctivites allergiques provoquent un larmoiement et une photophobie très marquées. Le diagnostic n'est pas toujours évident, dans les 10 % de cas où elles ne s'accompagnent pas d'une rhinite.
Certaines conjonctivites infectieuses du nouveau-né peuvent être graves. Les sécrétions muqueuses et/ou purulentes au cours des premiers jours de vie associées à une hyperhémie conjonctivale et un œdème palpébral doit faire explorer une gonococcie. L'hospitalisation est nécessaire pour rechercher une ulcération cornéenne et d'autres lésions au niveau articulaire notamment, et instaurer un traitement par cefotaxone ou cefotaxime par voie générale associé à des lavages oculaires.
La conjonctivite à Chlamydiae est la conjonctivite bactérienne la plus fréquente chez le nouveau-né. Elle se traduit par un larmoiement plus ou moins clair, une hyperhémie conjonctivale, parfois des pseudomembranes et une atteinte cornéenne. Elle sera traitée par érythromycine locale et per os.
La rosacée de l'enfant ou kérato-conjonctivite phlycténulaire avec larmoiement, rougeur oculaire, photophobie, larmoiement, souvent accompagnés de chalazion peut provoquer une baisse d'acuité visuelle et un astigmatisme. Elle résulte d'une hypersensibilité de type IV à certains antigènes bactériens, nécessite des soins de paupière et éventuellement une antibiothérapie par voie générale par tétracyclines ou érythromycine si l'enfant n'a pas ses dents définitives par cures qui seront de plus en plus espacées.
« Autre piège dans le larmoiement, l'atteinte cornéenne qui doit toujours être vérifiée par un test à la fluorescéine pour éliminer un herpès cornéen, d'autres causes de kératites ou une uvéite antérieure, dont l'arthrite juvénile idiopathique reste la cause la plus fréquente chez l'enfant, conclut l'ophtalmologiste. Enfin, même si le cas est exceptionnel, si le fond d'œil montre un œdème papillaire, il faut demander une IRM à la recherche d'une hypertension intracrânienne liée à une cause tumorale ».
Communication de la Pr Claude Speeg-Schatz, Strasbourg
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