On ne peut pas expliquer l’épidémie galopante de l’obésité et du diabète de type 2 uniquement par des facteurs génétiques et les changements de comportement alimentaire. Des arguments de plus en plus nombreux suggèrent le rôle éventuel de certains polluants dans l’épidémie des maladies métaboliques ; des perturbateurs métaboliques, que depuis 2002 l’OMS reconnait comme des substances dont l’influence négative sur le système endocrinien résulte en conséquences néfastes sur la santé. En cause notamment, les pesticides, les polychlorobiphényles (PCB), les dioxines, les plastifiants comme les phtalates et le bisphénol A (BPA), et les retardateurs de flamme.
En dehors de groupes particuliers exposés de façon intense à certains agents, la population générale est chroniquement exposée à de plus faibles doses de polluants organiques persistants (POPs), dont les plus connus sont les composés organostanniques, le BPA, les pesticides, les PCB, et les composés bromés comme les phtalates. La littérature scientifique de ces dernières années est riche en données sur la relation entre le diabète et ces polluants. Si les publications sur la recherche expérimentale sont peu nombreuses, les données épidémiologiques s’accumulent au contraire pour montrer un rôle important potentiel des POPs (1,2), et spécifiquement du BPA (3), des phtalates (4), des retardateurs de flamme (5) dans le syndrome métabolique, l’obésité, l’insulino-résistance et le diabète.
Bisphénol A, des liens de cause à effet démontrés chez l’animal.
L’équipe espagnole du Dr Angel Nadal a réalisé des études essentielles sur le BPA en montrant expérimentalement chez la souris (6, 7) qu’il peut avoir un rôle causal dans l’apparition d’une insulino-résistance, d’une intolérance au glucose, d’une hyperinsulinémie, de paramètres dyslipidiques chez l’animal adulte, chez la souris prégnante et dans sa descendance. Les chercheurs ont constaté en addition une adipogenèse, une certaine augmentation de poids avec adiposité principalement abdominale, et une diminution de la production de l’adiponectine.
La même équipe a souligné l’aspect estrogénique de l’action du BPA qui se comporte comme le 17ß-estradiol in vivo chez la souris (6). Les chercheurs ont mis en évidence que l’activation du récepteur membranaire estrogénique ERalpha de la cellule ß, par le BPA comme par le 17ß-estradiol, est capable de promouvoir une augmentation de la synthèse d’insuline par une voie non classique (8). Une stimulation excessive du récepteur, par exemple par le BPA de l’environnement, peut provoquer une résistance à l’insuline dans le foie et les muscles, ainsi que l’épuisement des cellules ß et donc peut contribuer au développement de diabète de type 2.
Seul le BPA a été bien étudié expérimentalement in vivo concernant ses liens avec l’obésité et le diabète. Néanmoins, il est temps d’agir, estime le Pr Van Gaal, il y a assez d’arguments épidémiologiques pour indiquer une accumulation de polluants environnementaux pouvant être associés à des problèmes métaboliques. On connait aussi quelques aspects in vitro sur d’autres polluants même si les explications mécanistiques nécessitent davantage d’efforts de recherche.
D’après la communication du Pr Luc Van Gaal, département de diabétologie, métabolisme et nutrition clinique, université d’Anvers (Belgique)
(1) Dirinck E et coll. Obesity (Silver Spring). 2011;19(4):709-14.
(2) Ukropec J et coll. Diabetologia. 2010;53(5):899-906.
(3) Lang IA et coll. JAMA. 2008;300(11):1303-10.
(4) Stahlhut RW et coll. Environ Health Perspect. 2007;115(6):876-82.
(5) Lim JS et coll. Diabetes Care. 2008;31(9):1802-7.
(6) Alonso-Magdalena P et coll. Environ Health Perspect. 2006;114(1):106-12.
(7) Alonso-Magdalena P et coll. Environ Health Perspect. 2010;118(9):1243-50.
(8) Nadal A et coll. Mol Cell Endocrinol. 2009;304(1-2):63-8.
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