LA METFORMINE, traitement de première intention dans le diabète de type 2, est fréquemment récusée chez les patients à haut risque, malgré le haut niveau de preuves observé dans l’étude UKPDS de son efficacité en traitement intensif à long terme sur les complications du diabète, d’infarctus du myocarde, et de mortalité toutes causes (1). Ses contre-indications sont celles susceptibles de prédisposer à l’acidose lactique, complication rare mais grave associée à la metformine, imputable généralement à la présence de comorbidités telles qu’insuffisance rénale (IR), des hépatopathies sévères, un choc, des maladies aiguës ou chroniques pouvant entraîner une hypoxie tissulaire.
L’insuffisance cardiaque, remise en cause dès 2005.
La metformine est classiquement contre-indiquée en cas d’insuffisance cardiaque (IC), son administration pouvant favoriser une acidose lactique en rapport avec l’hypoxie présentée par les patients. Avec une prévalence trois fois plus élevée chez les diabétiques âgés (135 pour 1000 contre 44 pour 1000 chez les non diabétiques), l’IC prive ainsi de metformine de nombreux patients (40 % dans l’étude Entred 2007). Cette recommandation est pourtant remise en question en 2005, par des travaux montrant une réduction de mortalité des diabétiques insuffisants cardiaques sous metformine (2, 3). Les données ultérieures viendront conforter ces premiers éléments. Lors d’un suivi de 1 519 diabétiques (71,7 ans en moyenne) souffrant d’IC (4), la réduction de la mortalité sous metformine est attribuée principalement à celle de la mortalité cardiovasculaire (- 22 %) et à un moindre taux d’hospitalisations (- 19 %). Ainsi en est-il également des données du registre Reach avec, après ajustement, une diminution de 24 % de la mortalité sous metformine en prévention secondaire chez les diabétiques (5). En addition aux études observationnelles chez l’homme, différentes expérimentations chez l’animal reproduisent ce type de résultats. L’ensemble des données conduit l’American Diabetes Association (ADA) à modifier en 2009, un peu à la marge certes, ses recommandations : la metformine peut être utilisée en cas d’IC congestive stable, si la fonction rénale est normale, et doit être évitée chez les patients instables ou hospitalisés.
En cas d’altération de la fonction rénale ?
Les recommandations concernant l’utilisation de la metformine selon la fonction rénale sont extrêmement hétérogènes ; un flou qui reflète une absence de bases solides. L’analyse des données Reach suggère que même les patients présentant une insuffisance rénale modérée pourraient être traités par cet agent antidiabétique, puisque le bénéfice en termes de réduction de mortalité persiste jusqu’à une clairance de la créatinine de 30 ml/mn. Ces résultats sont confortés et étendus par ceux, récents, de l’équipe de Jean-Daniel Lalau (6). L’ensemble des données a fait évoluer certaines préconisations telles que celles du NICE anglais : revoir la dose de metformine si la créatinémie dépasse 130 µmol/L ou si l’eGFR passe en dessous de 45 ml/mn/1,73 m2 ; arrêter la metformine au-delà d’une créatinémie› 150 µmol/L ou d’un eGFR ‹ 30 ml/mn ; la prescrire avec prudence chez les patients dont on peut redouter une insuffisance rénale aiguë.
L’insuffisance hépatique, non-indication de la metformine.
De son côté, l’insuffisance hépatocellulaire constitue plus une « non-indication » qu’une contre-indication de la metformine, le rôle central du foie impliquant qu’en cas de déficience, il n’y ait pas lieu de diminuer par cet antidiabétique une néoglucogenèse déjà défaillante…
À la marge des contre-indications, la metformine est souvent interrompue chez les patients cirrhotiques. Une pratique discutable, au vu des résultats d’une étude observationnelle menée chez 100 patients diabétiques souffrant d’une cirrhose hépatique virale C compensée, suivis près de 6 ans pour le développement de complications. Le médicament y est en effet associé à une réduction impressionnante (80 %) de l’incidence de carcinome hépatocellulaire, et de décès en rapport avec une pathologie du foie/ou transplantation (7).
Au final, la balance nette en termes de mortalité toutes causes apparaît favorable à la metformine en cas d’IC, et d’IR au moins jusqu’à 30 ml/mn, alors qu’en France 1 million de diabétiques ne reçoivent pas de metformine et des milliers de vie sont potentiellement sauvables.
D’après la communication du Pr Ronan Roussel, CHU Bichat, Paris.
(1) Holman RR et coll. N Engl J Med. 2008;359(15):1577-89.
(2) Eurich DT et coll. Diabetes Care. 2005;28(10):2345-51.
(3) Masoudi FA et coll. Circulation. 2005;111(5):583-90.
(4) Romero SP et coll. Int J Cardiol. 2011 Nov 21. [Epub ahead of print]
(5) Roussel R et coll. Arch Intern Med. 2010;170(21):1892-9.
(6) Briet C et coll. Clin Kidney J. 2012;5(1):65-67.
(7) Nkontchou G et coll. J Clin Endocrinol Metab. 2011;96(8):2601-8.
Article précédent
Du diabète au traitement du cancer : une mise au point s’impose.
Article suivant
Des obstacles à surmonter
Vers une équation prédictive
Du diabète au traitement du cancer : une mise au point s’impose.
Des contre-indications revisitées
Des obstacles à surmonter
Des résultats à long terme
Des « jeux sérieux » avec l’insuline
Diabeo met un pied sur le terrain
Il est temps d’agir !
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024