Risque cardiovasculaire

HbA1c : faut-il des seuils minimaux?

Publié le 05/11/2012
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LES NOUVELLES recommandations EASD/ADA sont plutôt prudentes en termes de cible d’HbA1c, même si la cible globale retenue est celle des 7 % (lire page 8). Et ce n’est pas l’étude présentée en avant-première par Gregory Nichols (Portland, États-Unis) qui va les contredire (1). Bien au contraire.

En effet, au-delà de cibles thérapeutiques, c’est-à-dire des bornes supérieures, « ce travail prêche pour l’inclusion dans les recommandations de seuils minimaux d’HbA1c », ou, en d’autres termes, pour l’instauration de bornes inférieures, selon G. Nichols.

L’analyse, menée sur la vaste cohorte du Kaiser Permanente Center for Health Research, lancée en 1989 – cohorte regroupant aujourd’hui près de 500 000 sujets dont plus de 26 000 diabétiques de type 2 – suggère en effet que la mortalité des diabétiques de type 2 et leur taux d’hospitalisations pour cause cardiovasculaire suit une courbe en U en fonction de leur niveau d’HbA1c. Avec, tenez-vous bien, un point d’inflexion situé dans la fourchette des 7-7,4 % d’HbA1c. Soit proche de la cible préconisée pour la plupart des patients mais fort loin de la normale ! L’HbA1c d’un non diabétique se situant pour rappel en dessous de 5,5 %.

L’étude porte sur plus de 26 000 diabétiques de type 2 suivis depuis 2002, dont on connaissait les antécédents cardiovasculaires, le niveau d’HbA1c, la pression artérielle et le LDL. Ils ont été suivis jusqu’en 2010 ou jusqu’à leur décès et stratifiés en fonction de leur taux d’HbA1c (moins de 6 %, 6-6,5 %, etc., par tranche de 0,5 % jusqu’aux taux supérieurs à 9 %). Dans ces strates, les taux de décès et d’hospitalisations pour cause cardiovasculaire ont été ajustés sur l’âge, le sexe, la race, l’ancienneté du diabète, la pression artérielle, les lipides, l’IMC, le tabagisme, les autres comorbidités et les prescriptions pharmaceutiques.

Durant le suivi moyen de 6,2 ans, 11 % des sujets sont décédés et 7,3 % ont été hospitalisés pour cause cardiovasculaire. Or la courbe des décès en fonction de l’HbA1c, comme celle des hospitalisations, est « en U ». Dans les deux cas, le RR minimum (RR = 1) est observé dans la strate d’HbA1c allant de 7 à 7,4 %.

Plus précisément, les sujets présentant une HbA1c inférieure à 7 % comme ceux ayant une HbA1c supérieure à 9 % ont un risque significativement accru de mortalité par rapport à ceux dans la fourchette de 7-7,4 %. Tandis que, en termes d’hospitalisations cardiovasculaires, ce surrisque est significatif pour les HbA1c inférieures à 6,5 % et celles supérieures à 8,5 %. « Il s’agit d’une étude d’observation. Elle a donc des limites. Par exemple, les données d’HbA1c ont été recueillies à intervalle irrégulier. Les complications microvasculaires n’ont pas été examinées. Enfin, ces résultats ne sont pas nécessairement transposables à d’autres systèmes de Santé, commente G. Nichols. Ils suggèrent néanmoins que le taux d’HbA1c correspondant à la moindre mortalité et au moindre risque d’hospitalisation pour cause cardiovasculaire se situe entre 7 % et 8 %. »

Bon répondeur : un facteur de bon pronostic

« Les bons répondeurs dans la vraie vie ont un moindre risque cardiovasculaire et de décès de toute cause », résume Katarina Eeg-Olofsson (Gothenburg, Suède). Telle est la conclusion de l’analyse du registre Suédois du diabète (2). Il rassemble 18 000 diabétiques de type 2, âgés de 30 à 75 ans en 2003-2006, sans antécédent cardiovasculaire, présentant une HbA1c entre 7 et 8,9 %. Ils ont été suivis jusqu’en 2009 (5,7 ans en moyenne) et répartis en deux groupes en fonction de l’évolution de leur HbA1c.

Le premier groupe rassemble près de 9 000 sujets, dont l’HbA1c a régressé d’au moins 0,1 % au cours du suivi. Ils ont 62 ans d’âge moyen à l’entrée, un diabète datant de 8,3 ans et une HbA1c à 7,8± 0,5 % à T0, versus 7±0,6 % en fin de suivi. Le second groupe rassemble aussi 9 000 sujets présentant, eux, une HbA1c restée stable ou progressant au cours du suivi. Ils ont 61 ans d’âge moyen à l’entrée, un diabète datant de 9 ans et une HbA1c à 7,7± 0,5 % à T0, versus 8,3±0,9 % en fin de suivi.

L’analyse met en évidence que les diabétiques de type 2 dont l’HbA1c a été en moyenne réduite de 0,8 % (de 7,8 % à 7 %, cible thérapeutique) ont un moindre risque d’événements et décès cardiovasculaires et de décès total par rapport à ceux dont l’HbA1c est restée stable ou a progressé autour de 7,7-8,3 %. Être bon répondeur est donc de bon pronostic. En d’autres termes, en clinique, pas besoin de lever le pied chez les patients qui répondent bien. A contrario il n’est pas peut-être pas utile et bénéfique de trop insister chez les mauvais répondeurs… Assez logique et raccord avec les recommandations, donc.

D’après la session OP 31, The importance of glycaemic control : results from large scale studies ; Berlin 4 octobre 2012.

(1) Nichols GA et al. The association of HbA1c with risk of cardiovascular hospitalisations and all-cause mortality is U-shaped.

(2) Eeg-Olofsson K et al. Glycaemic treatment responders in real life have lower risk of cardiovascular disease and total mortality - an observational study from the Swedish NDR Glycaemic treatment responders in real life have lower risk of cardiovascular disease and total mortality - an observational study from the Swedish NDR

 Pascale Solère

Source : Le Quotidien du Médecin: 9184