CHEZ LES PATIENTS ayant une fibrillation atriale, en matière d’anticoagulation, nous ne disposions jusqu’alors que des antivitamines KT (AVK), dont l’administration chronique impose une surveillance biologique étroite, notamment en raison du risque de complications hémorragiques.
Le développement de nouveaux anticoagulants vise à réduire le risque d’événements hémorragiques et à faciliter l’anticoagulation en s’affranchissant des contrôles réguliers de l’INR.
Autre point intéressant : les nouveaux anticoagulants agissent sur différentes cibles thérapeutiques, ce qui laisse espérer à terme la possibilité d’un choix adapté au type de thrombose.
Le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine, aujourd’hui indiqué dans la prévention des événements thromboemboliques veineux chez les patients bénéficiant d’une chirurgie programmée pour prothèse totale de genou ou pour prothèse totale de hanche. En prévention des accidents vasculaires cérébraux dans la fibrillation atriale (FA), le dabigatran était évalué versus antivitamine KT (warfarine) dans l’étude RE-LY, et ce à deux posologies. Dans cet essai de non-infériorité, le dabigatran à la posologie de 150 mg deux fois par jour s’est montré supérieur à la warfarine en termes de prévention des AVC, avec une tolérance similaire, tandis qu’à la posologie de 110 mg deux fois par jour, il s’est montré non inférieur à la warfarine mais associé à moins de saignements majeurs.
Une place précisée dans les recommandations de l’ESC.
Les dernières recommandations de l’ESC dans la FA précisent la place potentielle du dabigatran en note complémentaire. Il pourrait ainsi être envisagé en alternative aux antivitamines KT, à une posologie de 150 mg deux fois par jour chez les patients à fable risque de saignement (score HAS-BLED compris entre 0 et 2) et de 110 mg deux fois par jour chez ceux à risque hémorragique plus élevé (score HAS BLED › ou égal à 3). Ces mêmes recommandations indiquent que chez les patients n’ayant qu’un seul facteur de risque d’accident vasculaire cérébral (CHA2DS2-VASc = 1) le dabigatran, à raison de 110 mg deux fois par jour, pourrait être envisagé avec la même efficacité que les AVK en prévention des accidents emboliques, mais avec un risque hémorragique plus faible.
En pratique, il faudra bien sûr tenir compte de chaque situation lors du choix thérapeutique.
Il faut noter que le dabigatran est contre-indiqué chez les patients ayant une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min). Il doit être utilisé avec prudence en cas d’insuffisance rénale modérée, en diminuant la posologie à 75 mg deux fois par jour. Ce même ajustement posologique est préconisé chez les sujets âgés de plus de 75 ans. L’administration de dabigatran n’est pas recommandée en cas d’élévation des enzymes hépatiques au-dessus de deux fois la normale. La prudence est de mise chez les sujets de moins de 50 kg et de plus de 110 kg.
Le dabigatran a des interactions médicamenteuses avec d’autres molécules à visée cardiologique, notamment l’amiodarone -ce qui impose une réduction de la posologie de dabigatran à 150 mg- et le vérapamil. Il ne doit pas être associé à la quinidine.
Autre anticoagulant dont les indications pourraient être également élargies à la cardiologie : le rivaroxaban, un anti-Xa lui aussi déjà indiqué dans la prévention des événements thromboemboliques veineux chez les patients bénéficiant d’une intervention chirurgicale programmée de la hanche ou du genou (prothèse totale). Il a été évalué chez les patients en FA à haut risque (55 % avaient un antécédent d’AVC ou d’accident ischémique transitoire) versus AVK (warfarine) dans l’étude ROCKET-AF. Cet essai a montré que le rivaroxaban n’est pas inférieur aux AVK pour prévenir les accidents thromboemboliques, sans différence en termes d’incidence des événements hémorragiques.
En ce qui concerne les conditions d’utilisation, aucun ajustement posologique n’est nécessaire chez les patients ayant une insuffisance rénale légère à modérée. Dans les formes sévères (clairance de la créatinine < 30 ml/min) la prudence s’impose. Aucun ajustement n’est nécessaire en fonction de poids ou de l’âge.
Des évolutions sont donc attendues dans les prochains mois, mais comme le rappelle le Dr Nicolas Meneau (Besançon), en l’état actuel des recommandations, les AVK gardent leur place dans toutes les indications (prévention secondaire des événements thrombo-emboliques veineux, FA valvulaire ou non, valve mécanique).
Session « Bien utiliser les anticoagulants oraux », présidée par les Drs Thomas Lecompte, Vandoeuvre-les-Nancy et Pierre-Marie Roy, Angers.
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