« Alerter les autorités sur l’accès à la vaccination »

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Publié le 19/02/2021
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En raison d’une mortalité doublée chez les insuffisants cardiaques atteints de Covid-19, le Pr Ariel Cohen interpelle les autorités pour que les comorbidités cardiovasculaires fassent partie des facteurs de risque prioritaires pour l’accès à la vaccination. Le président de la Société française de cardiologie (SFC) nous fait également partager les nombreuses évolutions thérapeutiques, diffusées lors des JESFC, dans la maladie coronaire, l’insuffisance cardiaque, la fibrillation atriale, l’imagerie et la prévention.
Pr Ariel Cohen, Président de la Société française de cardiologie

Pr Ariel Cohen, Président de la Société française de cardiologie
Crédit photo : DR

Le Quotidien du Médecin. L’édition 2021 des JESFC a-t-elle été marquée par l’actualité liée au Covid-19 ?

Pr Ariel Cohen. Nous avons, lors de ces eJESFC 2021, fait un gros plan sur cœur et Covid-19 car nous avons été interpellés, notamment lors de la mutation de nos services de cardiologie en unités Covid, par la forte prévalence des facteurs de risque et comorbidités cardiovasculaires chez les patients hospitalisés. La fréquence de l’embolie pulmonaire (8-12 %) et la surmortalité liée au Covid-19 chez les patients insuffisants cardiaques nous ont également alertés. Le registre Critical Covid-19 France (CCF) de la SFC, qui a inclus plus de 2 800 patients, a mis en évidence une mortalité multipliée par un facteur deux en cas d’antécédent d’insuffisance cardiaque (IC), qu’il y ait ou non une réduction de la fraction d’éjection ventriculaire gauche. Nous voulons donc alerter les autorités pour que nos patients avec des comorbidités cardiovasculaires soient prioritaires pour l’accès à la vaccination. 

Parmi les principales thématiques du congrès, la maladie coronaire reste-t-elle au cœur des préoccupations ?

Bien sûr et notamment la gestion des antithrombotiques (anticoagulants et antiplaquettaires), problématique transversale qui intéresse tous les médecins. Le congrès est revenu sur les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) sur les infarctus du myocarde sans élévation du segment ST et sur la gestion du traitement publiées en septembre dernier. L’un des messages essentiels est que la triple association d’antithrombotiques, lorsqu’elle est indiquée au décours d’une procédure interventionnelle doit être la plus courte possible, idéalement un mois (par exemple en cas de fibrillation atriale [FA] avec un score CHA2DS2-VASc ≥ 1). Un autre domaine marqué par des évolutions est celui des valvulopathies, avec un élargissement progressif des indications de TAVI et une maturité atteinte pour les traitements percutanés des régurgitations touchant les autres valves. Initialement, le TAVI était réservé aux sténoses aortiques sévères à haut risque chirurgical ou à risque intermédiaire. 

Quelles sont les évolutions concernant l’insuffisance cardiaque ?

La grande innovation est la place restant à préciser des inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2), avec des données convaincantes qui montrent que les glifozines sont des médicaments de l’IC, pas seulement chez les patients diabétiques. Elles permettent de réduire les hospitalisations pour IC et les décès. Après les États-Unis et le Canada, des recommandations européennes, qui devraient être publiées lors du prochain congrès de l’ESC, sont en cours de rédaction. Les eJESFC 2021 ont été l’occasion de discuter de la place des différentes classes de médicaments. Le sacubritil/valsartan sera peut-être le médicament de première intention de demain, en alternative aux antagonistes du système rénine angiotensine (SRA) ; les iSGLT2 pouvant être associés aux diurétiques épargneurs de potassium, bêtabloquants et antagonistes du SRA. Il nous faut attendre cependant une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les iSGLT2 dans cette indication. 

Et en rythmologie, qu’en est-il de la fibrillation atriale ?

C’est le trouble du rythme le plus fréquent. Il est associé à un risque accru d’insuffisance cardiaque et d’accidents emboliques artériels. Les dernières recommandations de l’ESC ont placé en première intention les anticoagulants oraux directs. La question qui se pose aujourd’hui est celle du diagnostic précoce, au stade de la FA occulte, afin que certains patients puissent bénéficier plus tôt d’un traitement anticoagulant. Les travaux sont nombreux sur le concept de cardiomyopathie atriale, qui précéderait la FA et peut être caractérisée avec l’aide de l’imagerie. Il faudrait pouvoir agir en amont de l’apparition de la FA, qui semble être un phénomène tardif, alors que le risque embolique artériel peut précéder sa survenue. 

Quels sont à ce propos les progrès récents en imagerie ?

L’imagerie cardiovasculaire a beaucoup évolué et nous sommes désormais dans un environnement multimodal. Nous sommes peu à peu passés d’une approche pas à pas au couplage de différents examens qui apportent des données complémentaires. Échographie cardiaque, imagerie isotopique, scanner et IRM sont désormais indispensables à la caractérisation d’une cardiopathie. La fusion des images de scanner et d’échographie, ou de fluoroscopie, permet un repérage structural quasi anatomique en salle de cathétérisme interventionnel. L’imagerie multimodale est ainsi devenue la référence pour le contrôle pré et peropératoire en interventionnel valvulaire ou en rythmologie. 

Quelles sont les avancées en prévention cardiovasculaire ?

De nombreuses discussions portent sur les inhibiteurs de PSCK9 et sur les problèmes engendrés par la nécessité de renseigner une demande d’entente préalable. Ces restrictions d’usage en prévention secondaire sont très contraignantes. Nous devons en effet remplir un document pour pouvoir recourir à un traitement qui a fait ses preuves dans le post-infarctus, en cas d’artériopathie, ou après un accident vasculaire cérébral. Cette classe de médicament permet de réduire les événements cardiovasculaires majeurs, en plus du traitement par statines, dont la pleine dose peut être mal tolérée. Il est dommage de devoir attendre des années pour pouvoir viser une baisse du LDL-cholestérol en deçà de 0,55 g/L, voire 0,4 g/L en cas d’événements ischémiques parfois récidivants. 

Propos recueillis par la Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin