« Il faut prendre soin des soignants pour qu’ils puissent pendre soin des patients », explique le Dr Henri Farina (Stethos, Société d’études de marché spécialisée dans le monde de la santé) en présentant les résultats d’une enquête sur les vulnérabilités des professionnels de santé réalisée gracieusement pour l’Association « Soins aux Professionnels de Santé » et pour le Centre national des professions de santé (CNPS).
Afin de pouvoir proposer des pistes de travail, il était nécessaire de disposer d’un instantané de la situation dans le milieu des soignants. C’est ce qui a été proposé en novembre 2015 par le Centre national des professions de santé et différents syndicats qui ont sollicité leurs adhérents via un questionnaire anonymisé (anonymisation par la société Kaparace).
Parmi les 1 905 professionnels de santé qui ont répondu à l’enquête, 73 % étaient des médecins (1 383), 13 % des sages-femmes (239), 6 % des pharmaciens (106), 3 % des infirmières (63). Les hommes étaient un peu plus représentés que les femmes (57 % contre 43 %) parmi les 1 838 répondants, la moyenne d’âge s’établissait à 54 ans. 17 % travaillaient à l’hôpital, 66 % en libéral et 17 % ont déclaré avoir une activité mixte.
22 % des soignants en burn out au moment de l’enquête
La première partie du questionnaire avait pour but de préciser l’incidence du burn out.
« Près de la moitié des professionnels de santé estime avoir été en situation de souffrance dans leur carrière », analyse le Dr Henri Farina. Au moment où l’enquête a été réalisée, 22 % des soignants s’estimaient en situation ou en fort risque de burn out. Par le passé, 45,2 % avaient été confrontés à une telle situation. Par rapport aux autres professionnels de santé interrogés, le risque de burn out global (actuel et passé) était plus important pour les médecins (50,3 %, certains médecins ayant déclaré à la fois un burn out ancien et présent) contre 43,4 % pour les autres professions.
Globalement – toutes professions confondues – les hommes étaient légèrement plus que les femmes à risquede burn out au moment de l’enquête (22,5 % contre 18,7 %). Enfin, ce sont les soignants libéraux qui étaient le plus souvent concernés par l’épuisement : 50,1 % contre 46,3 % pour les salariés et 43,8 % de ceux qui pratiquaient une activité mixte.
10,5 % des médecins homme ont ou ont eu un problème d’alcool
Pour la question des addictions, trois champs ont été détaillés : la consommation d’alcool, celle de psychotropes et anxiolytiques, et celle de stupéfiants. Au moment de l’enquête, 3,7 % des médecins s’estimaient en situation de dépendance ou à fort risque de dépendance à l’alcool. Et par le passé, 5,8 % des praticiens avaient été concernés. Parmi les médecins qui avaient ou avaient eu un problème d’alcool (7,5 % au total), les hommes étaient surreprésentés (10,5 % contre 3,8 % des femmes).
Interrogés sur la dépendance aux psychotropes ou anxiolytiques, 9,4 % des médecins ont déclaré avoir connu ou connaître ce problème (respectivement 8,3 % et 3 % mais les deux réponses étaient possibles). Ce chiffre est significativement plus important que celui des autres professionnels de santé (6,2 %).
La dépendance aux stupéfiants reste limitée (1 %) et ce quelle que soit la profession, le sexe et le type d’activité (libérale ou salariée).
Un centre d’addictologie loin de son lieu d’exercice
Enfin, le questionnaire avait pour but d’évaluer les attentes des médecins concernant leur prise en charge éventuelle en centre d’addictologie. Globalement – qu’ils soient concernés ou non par ce problème –, les médecins souhaitaient, dans leur très grande majorité, être pris en charge dans un centre spécifiquement réservé aux professionnels de santé (78 % pour les personnes concernées à 82 % pour celles qui ne connaissent pas ce problème). Ils n’étaient plus que 59 % à préférer être orientés vers un centre dédié spécifiquement à leur profession. Ces chiffres sont relativement similaires quelle que soit la profession, le sexe et le mode d’exercice.
La dernière question avait pour but de préciser si les soignants souhaitent privilégier la proximité en cas de recours à un centre d’addictologie. Et la réponse est sans appel : 80 % préféreraient que la structure soit éloignée de leur lieu d’exercice.
Pour le Dr Farina, « on peut interpréter ces différents choix comme un souhait de ne pas croiser des patients au cours des soins et de ne pas, non plus, rester trop confiné entre les représentants d’une seule et unique profession ». Il ajoute : « Cette étude confirme ce qu’a rappelé le Pr Pierre Carayon, professeur émérite de médecine à l’Université de Franche-Comté, nous sommes une profession à risque, pour elle-même et pour les patients, avec ses spécificités. Pour ces raisons, j’insiste depuis toujours sur la nécessité de créer des structures dédiées pour une prise en soins parfaitement adaptée. »
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