Internet a pénétré dans tous les foyers français dans les années 2000 et est devenu la principale source d’information médicale du grand public. Pourtant, en 2012 lorsque la pertinence diagnostique de 120 sites web avait été testée par des médecins, un tiers d’entre eux ne détaillaient pas – voire passaient sous silence – les symptômes qui devaient inciter à consulter immédiatement.
Le recours à Internet est devenu systématique pour 70 % des Français, certains même sont devenus des « cybercondriaques ». Le net – et les propos de ceux qui s’y expriment – est en effet particulièrement anxiogène pour les personnes fragiles.
Que recherchent les patients et leurs familles sur le net ? Début 2017, une étude sur le recours à Internet des parents d’enfants malades a été publiée : ce sont les mères en très grande majorité (80 %) qui effectuent les recherches et 35 % de celles-ci ont trait à des symptômes d’enfants de moins de 3 ans. Généralement, les parents préféreraient s’adresser à leur médecin habituel, mais le recours à Internet est systématique pour 16 % des familles. Parmi les raisons mises en avant : une absence de disponibilité des médecins, et une expertise unique accessible à tous sur le web. Pour 60 % des parents Internet a permis d’apprendre plus sur une pathologie, les autres y ont recherché un deuxième avis ou des questions à poser à leur médecin.
Dokters vs Internet
Alors si les patients sont si forts pour utiliser Internet et si les informations sont de si bonne qualité sur le web, pourquoi ne pas challenger les médecins. C’est l’idée qui a été développée par le producteur Magnify Media qui propose en Norvège et aux Pays-Bas une émission de téléréalité santé, « Dokters vs Internet » Un jeu où deux équipes s’affrontent : l’une est composée d’animateurs et de comédiens qui ont accès à Internet pour y chercher des informations médicales ; l’autre comporte trois médecins qui discutent ensemble des cas.
Arrivent six patients qui souffrent de pathologies déjà diagnostiquées. Dans un premier temps, les deux équipes leur posent des questions auxquelles les malades doivent répondre par oui ou par non. Puis, les « célébrités » et les médecins analysent les données ainsi récoltées. Huit diagnostics plus tard, une équipe est désignée gagnante. Et c’est bien souvent celle des « médecins amateurs » qui l'emporte. Le producteur de l’émission affirme qu’elle n’a pas pour but de faire rire aux dépens des médecins, ni de les ridiculiser. Mais c’est ce qui se passe bien souvent en réalité. Si les « célébrités » trouvent parfois plus facilement le diagnostic, c’est qu’elles ne prennent pas en compte les autres affections possibles qui donnent un tableau similaire.
Magnify Media met aussi en avant que son émission est l’occasion d’aborder des maladies mal connues et parfois stigmatisantes à une heure de grande écoute et sur un mode non anxiogène. Ainsi, un jeune atteint de drépanocytose a pu exposer son cas, alors même que, d’après lui, aucun livre n’a été écrit en néerlandais sur cette maladie.
Comment gérer un patient Internet ?
Puisque le réflexe Internet est entré dans les mœurs et que ce n’est pas près de changer, quelle attitude peut-on adopter face à un patient ou une famille qui arrive en consultation bien – voire trop – informée ? S’opposer aux prescriptions induites par le web ? Refuser de prendre en compte le niveau d’information des patients induit une défiance, une remise en cause globale de la prise en charge médicale.
Preuve a été apportée au Congrès de l’American Academy fin 2016. L’influence de l’information pré-consultation issue d’Internet a été testée sur une cohorte de 1 400 parents à qui a été exposé un cas clinique d’enfant présentant une éruption cutanée et une fièvre depuis 3 jours. Les parents ont été divisés en trois groupes : l’un ne recevait aucune information particulière (groupe témoin), un deuxième était sensibilisé aux signes de la scarlatine, enfin, les autres parents étaient informés sur la maladie de Kawasaki.
Le diagnostic de scarlatine était posé secondairement. Et tous les groupes n’étaient pas aussi confiants vis-à-vis des médecins : les témoins adhéraient à 81 %, les parents du groupe « scarlatine » à 91 %, enfin, ceux du bras « Kawasaki », n’étaient que 61 % à suivre le médecin sans réticences.
Il semblerait donc que le lien médecin patient soit affecté par le degré de connaissance médicale du patient. Et c’est d’autant plus vrai, qu’Internet peut orienter vers des sites sérieux tout autant que vers des forums où s’expriment des patients.
Désormais, les moteurs de recherche font partie intégrante des consultations et de la relation médecin patient. Et le pire côtoie le meilleur. Une réflexion sur leur place et sur leur intérêt complémentaire à la consultation doit être menée afin que le praticien s’en fasse des alliés et non des concurrents.
North F, Ward W, Varkey P et coll. Should you search the Internet for information about your acute symptom? Telemed J E Health. 2012 Apr ;18(3):213-8. doi: 10.1089/tmj.2011.0127. Epub 2012 Feb 24.
Harvey S, Menon A, Khan R et coll. Parent's use of the Internet in the search for healthcare information and subsequent impact on the doctor-patient relationship. Ir J Med Sci. 2017 Jan 27. doi: 10.1007/s11845-017-1555-6. [Epub ahead of print]
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