LE QUOTIDIEN : Comment est née la tontine que vous animez ?
Dr FRANÇOIS DIMA : La tontine du conseil département de l’Ordre de la Mayenne a été créée en 2007. Nous avons en effet été confrontés cette année-là au décès brutal d’un confrère libéral qui avait 4 enfants. Nous avons choisi dans un premier temps de nous mobiliser pour cette famille puis de structurer cette aide dans le cas où d’autres confrères pourraient en avoir besoin.
Pr BÉATRICE CRICKX : La tontine de l’intersyndicat des médecins des hôpitaux de Paris a été créée en 1965. C’est l’intersyndicat des médecins, chirurgiens, biologiques et anesthésistes-réanimateurs qui a choisi de proposer une aide en cas d’arrêt maladie aux médecins des hôpitaux de Paris, et plus particulièrement ceux qui ont une double valence à la fois universitaire et hospitalière : les MCU-PH et PU-PH. Ces praticiens ont en effet deux employeurs – l’Éducation nationale (enseignement supérieur) et l’AP-HP – mais seule l’université cotise pour les prestations sociales. En effet, le travail hospitalier n’est pas rémunéré comme un salaire mais considéré comme un émolument.
Donc si un PU-PH est en arrêt maladie, il perçoit ses deux rémunérations pendant 3 mois, puis à l’issue de ce délai, seule sa rémunération universitaire lui est versée… Ce qui peut engendrer des problèmes financiers.
La tontine est aussi ouverte depuis 1985 aux praticiens hospitaliers dès lors qu’ils ont signé un contrat d’engagement. Les PHC (praticiens hospitaliers contractuels) ne peuvent cotiser.
Quel type d’aide proposez-vous et quels en sont les montants ?
Dr F. D. : Nous assurons aux familles des médecins libéraux décédés en activité une aide immédiate indépendante de l’aide apportée par le conseil national de l’Ordre des médecins. Nous orientons aussi les familles vers d’autres structures d’aides en cas de difficultés financières ou de problèmes juridiques liés à la succession. Le principe de la tontine est celui d’une aide rapide et ponctuelle qui permet de faire face aux premières semaines qui suivent un événement brutal et imprévu.
Le montant des aides n’est pas fixe. En effet, lorsqu’un décès survient, nous adressons un mail aux médecins volontaires qui ont accepté de signer un contrat avec la tontine et ils sont libres de donner la somme qu’ils souhaitent, avec un minimum de versement d’une CS. Les sommes récoltées peuvent donc varier d’une fois à l’autre.
Pr B. C. : Le but de notre tontine est d’aider les confrères malades et éventuellement leur famille.
Lorsqu’un membre de la tontine est en arrêt maladie de plus de 3 mois, il adresse à la tontine une copie de sa feuille de paye hospitalière et nous lui reversons l’intégralité de son salaire antérieur. Cette aide peut durer plusieurs mois, jusqu’au passage en maladie de longue durée.
La tontine est ouverte aux médecins jusqu’à l’âge de 68 ans, s’ils restent en activité et s’ils sont à jour de l’intégralité de leurs cotisations depuis leur recrutement à l’AP-HP.
En cas de décès, nous adressons une aide immédiate qui sera versée en deux fois à la famille de notre confrère pour faire face aux dépenses immédiates.
Comment sensibiliser vous vos confrères à l’existence de la tontine ?
Dr F. D. : L’adhésion à la tontine de la Mayenne n’est pas obligatoire. Nous abordons le sujet avec les médecins nouvellement installés. Chaque année nous évoquons aussi la tontine dans la revue du conseil départemental de l’Ordre et nous adressons des mails d’information. Il n’y a pas de condition d’âge ni d’état de santé pour s’inscrire à la tontine et signer un contrat par lequel le médecin accepte de répondre ponctuellement et dans la mesure de ses moyens aux appels.
Théoriquement, seules les familles de médecins qui avaient accepté de participer à la tontine peuvent y faire appel en cas de décès. Mais en pratique, si la situation de la famille d’un médecin non inscrit le nécessite, nous adressons un courrier à nos adhérents lorsque nous sommes informés de difficultés particulières.
Aujourd’hui, un tiers des médecins libéraux de Mayenne font partie de notre tontine.
Pr B. C. : Lorsqu’ils intègrent l’AP-HP, les médecins sont sensibilisés par le biais de leurs syndicats de branches de l’existence de la tontine. Ils sont libres d’y adhérer ou non : la cotisation est volontaire mais fixe (par exemple 265 euros annuellement pour les PU-PH, un peu moins pour les PH en début de carrière). La tontine est connue des plus anciens qui eux aussi peuvent en parler aux plus jeunes. Ces derniers restent néanmoins assez peu réceptifs à cette information.
Si le confrère décide de s’inscrire à la tontine plus tard dans sa carrière, il doit verser l’ensemble des cotisations théoriques depuis son entrée à l’AP-HP ainsi que des pénalités de 20 %. Par ailleurs, il doit fournir un certificat de bonne santé et nous appliquons une franchise de 18 mois avant de verser des prestations pour arrêt maladie.
Certains confrères préfèrent des systèmes d’assurance volontaire mais il faut savoir que le principe de notre tontine, qui repose sur les médecins volontaires, permet de limiter au maximum des frais de gestion et les sommes que nous proposons sont plus élevées que celle distribuées par les assurances ou mutuelles.
Aujourd’hui, 240 médecins de l’AP-HP sont inscrits à la tontine.
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