C’est le 17 août 2016 que le Dr Ira H Kirschenbaum, un orthopédiste du Bronx à New York, a entamé l’écriture de son e-journal par une brève présentation : après avoir validé une spécialité d’orthopédie prothétique à Philadelphie en 1991, il a rejoint l’hôpital Bronx-Lebanon Hospital, où il occupe désormais les fonctions de chef du service d’orthopédie.
Sa spécialité : la chirurgie du genou qu’il compare à une « expérience religieuse » et qui lui permet de pratiquer des interventions « élégantes » dotées d’un impact énorme sur la vie des patients.
200 fois par an, il consacre 45 minutes à une heure, à intervenir sur des genoux. Il estime que le taux d’insatisfaction de ses patients est de 3 % environ. Ce chiffre qui peut sembler faible — puisqu’il représente 6 patients par an – lui tient beaucoup à cœur car il le vit comme un échec.
Et si je pouvais éviter l’intervention avec des traitements alternatifs ?
Le Dr Kirschenbaum raconte comment un jour, il a compris qu’il allait lui aussi devoir être opéré. C’était à l’automne 2012 – 4 ans avant le geste –, il a couru pour pouvoir monter dans le train de 22 h 36 parce que comme « tout New-yorkais qui se respecte, il vaut mieux courir sur une jambe que de rater un train ». Depuis ce jour-là, la douleur l’a accompagné tous les jours, augmentant progressivement jusqu’à l’obliger à réduire ses activités et son sport quotidien en septembre 2015.
« Pourquoi, à un âge relativement jeune je dois moi aussi me faire opérer ? À qui la faute, je n’ai pas subi de traumatisme violent. Tout au plus je peux dire que je viens d’une famille d’arthrosiques », écrit-il.
Le chirurgien est ensuite passé par une phase de refus de l’intervention. Il a utilisé des traitements dont les bienfaits n’ont pas été prouvés scientifiquement mais qu’il souhaitait efficace pour lui : hyalan-G-F 20, glucosamine, injections intra-articulaires de Synvisc-One ®… Le tout accompagné de doses progressivement croissantes d’AINS et de paracétamol. Et rien n’a fonctionné. Pourtant, il admet qu’il proposera désormais ce type de prise en charge à ses patients, car il pense possible que certains soient aidés par cette approche. Pour se justifier dans son refus d’intervention il argumentait auprès de ses proches avec des arguments fallacieux : « Pourquoi marcher vite quand on a le temps ? Pourquoi sortir quand il y a autant de films sur Netflix ? » Mais un jour, il a dû se rendre à leur avis, « il fallait faire quelque chose pour mon genou ».
Le rôle pivot du médecin traitant et du kinésithérapeute
Une fois sa décision prise, le Dr Kirschenbaum a choisi de se préparer au mieux à l’intervention. Il a d’abord établi une liste des domaines à prendre en compte : sa vie professionnelle, sa santé, ses finances et sa préparation pré-chirurgicale. Il s’est entouré d’un médecin traitant, pour la première fois de sa vie, et a compris la place essentielle de ce confrère dans ces circonstances.
Son chirurgien et ami travaille à Seattle, à 6 heures d’avion de son domicile. Il a effectué deux fois le voyage en avion pour se familiariser avec l’hôpital où il allait être pris en charge. Pour un orthopédiste libéral américain, la question de l’organisation de la vie professionnelle est importante puisque les charges – et notamment les assurances – sont particulièrement élevées. Le Dr Kirschenbaum a choisi de s’arrêter 3 mois.
Dans son journal, le chirurgien explique aussi que son assurance santé lui a offert la couverture basique pour l’intervention et qu’il n’a pas souhaité rajouter des options à sa charge.
Pendant le mois précédant la chirurgie, il a été suivi par un kinésithérapeute qui lui a enseigné des mouvements de renforcement musculaire et a anticipé ave lui les premières étapes de la reprise de la marche, de l’habillement, de la conduite automobile, de la rééducation… « Ne sautez jamais cette étape avant d’aller au bloc. »
Les deux jours avant le geste, le médecin a préparé la check-list recommandée par son chirurgien : médicaments, savon antibactérien, déambulateur, cannes, coussin pour surélever la jambe, rehausseur de toilettes, siège de douche, gonfleur à pied (pour la rééducation), bas de contention, pacs à glacer, spiromètre pour travailler le souffle, application goniomètre sur son Smartphone.
Les interventions ambulatoires remises en question
Si l’intervention a été réalisée en ambulatoire (correspondant à la prise en charge de base proposée par l’assurance santé), le suivi postopératoire a été particulier : le Dr Kirschenbaum a habité chez son chirurgien et ami pendant 15 jours.
« J'ai compris qu’après une telle intervention, un environnement médical est indispensable pendant quelques jours. Le patient ne peut pas aborder les soins et la récupération sans un minimum d’accompagnement. » L’expérience vécue va désormais changer le point de vue du chirurgien qui promet de faire au mieux pour que ses patients puissent avoir accès à des soins postopératoires, en dépit des recommandations des assurances santé qui souhaitent éviter les hospitalisations.
Quatre semaines après l’intervention, le médecin-patient était capable de marcher sans douleur, de monter et descendre des marches en se tenant à la rampe et de plier de genou à 121°.
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