Prévention de la mort subite

La France peut mieux faire

Publié le 30/05/2013
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Crédit photo : BSIP

LA MORT SUBITE (MS) établie, définie comme un décès inattendu d’origine naturelle dans l’heure qui suit le début des symptômes, fait la une de l’actualité quand elle concerne des sportifs de haut niveau sur le terrain. Mais c’est la part émergente d’un vaste problème. À 90 % d’origine cardiaque, principalement liée à des cardiopathies ischémiques, elle touche aussi le sportif occasionnel, avec le décès de 800 à 1 000 personnes par an d’une activité sportive en France, contre 10 à 15 sportifs de haut niveau. Et surtout, elle n’est pas l’apanage des sportifs. Environ 40?000 nouveaux cas de MS de l’adulte toutes causes confondues surviennent chaque année dans notre pays, avec moins de 4 % de survivants. Davantage de décès que le sida, le cancer du poumon, le cancer digestif et les accidents de la route additionnés ! souligne le Pr Xavier Jouven, cardiologue épidémiologiste.

On est pourtant capable de diminuer cette mortalité. Deux départements l’ont fait (Nord-Pas-de-Calais et Côte-d’Or), avec une survie de 40 % à la sortie de l’hôpital. Il existe ailleurs un problème de non prise en compte de la MS en population générale, où elle est prépondérante. Les sujets à haut risque (mauvaise fraction d’éjection, hypertrophie ventriculaire) ne représentent pas la majorité des MS. Les mesures qui les concernent (défibrillateurs automatiques implantables) ont donc un impact faible. Les efforts importants de prise en charge des patients coronariens à l’hôpital ont été payés de retour avec une diminution de la mortalité après infarctus, de 30 % il y a 30 ans à moins de 7 % à l’heure actuelle. Reste à se poser la question d’investir un peu plus en dehors de l’hôpital pour s’occuper des décès extrahospitaliers. Ils augmentent dans une proportion inquiétante, avec une évolution du rapport décès coronariens intra-hospitaliers/extra-hospitaliers de 1 sur 3 à un rapport actuel de 1 sur 7. Une proportion qui s’accroît surtout pour les individus les plus jeunes.

L’absence de réactivité des témoins d’une MS identifie un problème important de formation aux gestes qui sauvent. Elle est illustrée par les MS de sportifs, auxquelles une personne assiste dans plus de 90 % des cas, mais dans les 2/3 ne réagit pas (ni appel des secours, ni massage cardiaque). La survie n’atteint de ce fait que 3 à 5 %, au lieu de près de 13 % en cas de délai court, de massage cardiaque et de défibrillation précoce. On remarquera aussi que seules 5 à 10 % des enceintes sportives sont équipées de défibrillateurs alors qu’on y déplore 500 ms par an. La prévention primaire consisterait par ailleurs à identifier les sujets à risque de MS, ce qui passe par une meilleure connaissance de ses déterminants. Mais faute d’autopsie ces décès restent le plus souvent inexpliqués. Seuls les antécédents familiaux constituent un facteur de risque simple, mis en évidence par l’étude prospective parisienne I (1). La piste des anomalies de la fréquence cardiaque s’est révélée en pratique décevante, du fait d’une relation complexe entre MS et fréquence, qui diverge selon la nature du stress, physique ou psychique. Elle fera l’objet d’une exploration approfondie dans l’enquête III (2).

D’après la présentation « Épidémiologie de la mort subite » du Pr Xavier Jouven, hôpital européen Georges-Pompidou (Paris), directeur du centre d’expertise de la mort subite de l’adulte et de l’unité Inserm épidémiologie cardiovasculaire et mort subite.

(1) Jouven X et al. Predicting sudden death in the population: the Paris Prospective Study I Circulation. 1999 Apr 20;99(15):1978-83.

(2) Empana JP et al. Paris Prospective Study III: a study of novel heart rate parameters, baroreflex sensitivity and risk of sudden death. Eur J Epidemiol 2011 Nov;26(11):887-92.

 DOMINIQUE MONNIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9246