Plan blanc activé dans près d’une centaine d’hôpitaux, port du masque redevenu obligatoire dans certains établissements… La flambée de l’épidémie de grippe, qui sature les urgences, accroît la pression sur le système de santé dans son ensemble, et c’est dans ce contexte que le gouvernement ne ferme pas totalement la porte à une obligation vaccinale des soignants.
Ce mardi, sur BFM-TV, Yannick Neuder, ministre de la Santé a explicitement indiqué que « la question de l’obligation des soignants mérite d'être posée ». Déjà, en déplacement vendredi dernier à l’hôpital Cochin, le successeur de Geneviève Darrieussecq avait affirmé n’avoir « aucun tabou » sur cette question sensible de l’obligation vaccinale. La Haute Autorité de Santé (HAS) a été « mandatée » pour faire un point de situation sur ce sujet, a-t-il confirmé, rappelant que plusieurs vaccinations sont déjà obligatoires chez les blouses blanches. Au pays de Pasteur, a-t-il mis en garde, il « faut vacciner plus et mieux en France », y compris les soignants, jugeant « assez étonnant » la réticence à la vaccination.
De fait, alors que les soignants sont très fortement incités chaque hiver à se faire vacciner contre la grippe, le taux de couverture vaccinale y demeure particulièrement faible : de l’ordre de « 19 % en médiane pour la saison 2022-2023 dans les hôpitaux publics », selon Santé publique France. Dans les Ehpad, ce taux était de « 22,4 % des professionnels de santé sur la saison 2023-2024 (contre 24,7 % en 2022-2023 et 27,6 % en 2021-2022). C’est très loin des 70 % de l’objectif fixé par la stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections pour les professionnels de santé travaillant en établissements de santé.
Interrogé ce matin sur France inter, le directeur général de l’AP-HP, Nicolas Revel, a reconnu lui aussi que seulement « 19 % » des soignants du CHU francilien étaient vaccinés contre la grippe. « C’est faible, c'est un chiffre qui s'est aussi affaibli depuis la crise Covid… », s’est désolé l’ancien patron de la Cnam, replaçant la situation dans son contexte. « Il faut un rationnel scientifique fort, et qu'au-delà de l'obligation, on reprenne la question de la vaccination dans notre pays de manière générale. »
Psychodrame du Covid
Serpent de mer, la question de l’obligation vaccinale des soignants divise le corps médical.
En septembre 2020, l'Académie de médecine s’était prononcée en faveur de cette contrainte, en pleine épidémie du Covid. Elle avait jugé cette mesure « évidente » et « urgente », réitérant cet avis en 2023. En juillet 2023, la HAS n’avait, elle, pas retenu cette obligation vaccinale pour la grippe saisonnière des soignants, compte tenu « de l’efficacité imparfaite » de la vaccination antigrippale chez les moins de 65 ans et de « l’insuffisance des données disponibles à ce jour sur le fardeau de la grippe nosocomiale (…) et sur l’impact de la vaccination des soignants sur ce fardeau ».
L’exécutif prendra-t-il le risque de remettre sur le tapis la vaccination obligatoire des blouses blanches ? Chacun garde en mémoire le psychodrame de la vaccination Covid, lorsque le gouvernement avait imposé au personnel soignant de se faire vacciner. Une infime minorité de professionnels récalcitrants avaient été suspendus puis réintégrés (représentant autour de 0,3 % des agents hospitaliers et moins de 2 000 praticiens chez les libéraux).
Interrogé ce mardi par Le Quotidien, le Dr Jean-François Cibien, président de l’intersyndicale de praticiens hospitaliers APH, reconnaît que le taux de vaccination des soignants contre la grippe « n’est pas suffisant ». « Je souhaite que tous les praticiens soient vaccinés, lance le leader syndical. Faudrait-il encore avoir une médecine du travail dans nos établissements et une vraie campagne de communication sur la vaccination pour les soignants et la population ! » Une autre façon de mettre le gouvernement devant ses responsabilités.
Pas trop tard pour se faire vacciner ! insiste la DGS
Alors que la grippe circule sur tout le territoire et met en tension le système de santé, les autorités rappellent l’importance de vacciner d’ici à fin janvier les plus vulnérables, dont les plus de 65 ans, les personnes avec comorbidités, et leur entourage, sans oublier… les professionnels de santé. « Il est encore temps de se faire vacciner jusqu’au 31 janvier », exhorte la Direction générale de la santé (DGS). Les non-vaccinés représentent en effet plus de 80 % des cas graves de grippe admis en réanimation, selon Santé publique France.
Dans un DGS-urgent daté du 13 janvier, les autorités indiquent que des doses complémentaires de vaccins seront mises à disposition progressivement auprès des grossistes-répartiteurs, notamment pour le Vaxigrip Tetra (Sanofi-Pasteur), tandis qu’elles sont déjà disponibles pour le Fluarix Tetra (GSK).
En parallèle, les soignants sont invités à rappeler l’importance des gestes barrières pour lutter contre la transmission du virus (lavage de mains, port du masque en cas de contamination ou de symptômes, aération des logements).
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