Une étude menée par une équipe de Stanford Medicine sur une cohorte galloise montre que les adultes vaccinés contre le zona (Zostavax, vaccin vivant atténué) avaient 20 % de risque en moins de développer une démence au cours des sept années suivantes comparés à ceux n’ayant pas été vaccinés. Ces données publiées dans Nature renforcent ainsi le lien déjà suggéré entre vaccin contre le zona et réduction du risque de démence et, plus largement, l’hypothèse herpétique.
En effet, ces résultats étayent une théorie émergente selon laquelle les virus neurotropes – comme ceux de la famille des herpèsvirus – peuvent accroître le risque de démence. « Une intervention préventive contre la démence est déjà à portée de main », lit-on dans l’étude. Pour le Pr Anthony Hannan, de l’Institut Florey (Melbourne, Australie), ce travail montre également que « la vaccination a le potentiel d’influer positivement sur la santé humaine, au-delà de la maladie contre laquelle elle protège », commente-t-il dans le Science Media Centre. « Il a déjà été montré que les personnes âgées vaccinées avaient, en général, moins de risque de développer une démence », rappelle Henry Brodaty, de la University of New South Wales (Nouvelle-Galles du Sud, Australie).
Le virus varicelle-zona (VZV) reste dormant dans les cellules nerveuses après une infection, et ce, toute la vie. Chez les personnes âgées ou immunodéprimées, il peut se réactiver et provoquer un zona. Les études antérieures montrant une association entre vaccination contre le zona et diminution des taux de démence restaient à confirmer car « elles souffrent d'un biais fondamental : les personnes qui se font vacciner ont des comportements de santé différents de celles qui ne le font pas », explique le Pr Pascal Geldsetzer, auteur principal, dans un communiqué de presse de l’université de Stanford.
Une protection plus prononcée chez les femmes
C’est en cela que cette nouvelle étude se démarque. Le 1er septembre 2013, le Pays de Galles a lancé un programme de vaccination contre le zona à destination des personnes âgées de 79 ans seulement : les personnes âgées de 80 ans ou plus n’ont ainsi pas pu bénéficier de la campagne. Cette condition, visant à rationner les stocks limités de vaccins, a ainsi permis aux auteurs de contourner le biais de sélection, « d’isoler l’effet de l’éligibilité au vaccin » et « de se rapprocher d’un essai contrôlé randomisé ».
Les chercheurs ont examiné les dossiers médicaux de plus de 282 541 personnes âgées de 71 à 88 ans qui ne souffraient pas de démence au début du programme de vaccination. Ils ont concentré leur analyse sur les personnes les plus proches en âge, c’est-à-dire celles qui ont eu 80 ans la semaine précédant le début du programme (tout juste trop âgées pour être éligibles) et celles qui ont eu 80 ans la semaine suivant son lancement (juste assez jeunes pour être éligibles). Avec un suivi médian de sept ans, le vaccin a réduit l'incidence du zona d'environ 37 %, concordant avec les données des essais cliniques sur le vaccin. Le risque de développer une démence diminuait de 20 % entre les personnes vaccinées et celles non vaccinées.
De plus, les auteurs ont constaté que la protection semblait plus prononcée chez les femmes que chez les hommes, possiblement du fait « des différences de réponse immunitaire entre les deux sexes ou de la façon dont la démence se développe ». Ils ont ensuite confirmé leurs résultats dans une population combinée Angleterre-Pays de Galles en utilisant les données sur les décès, avec le décès par démence comme critère de jugement.
Un signal fort de protection est observé pour le vaccin dans plusieurs pays
Quid du vaccin recombinant Shingrix ?
Cependant, les chercheurs n’ont pas pu déterminer « si le vaccin protège contre la démence en stimulant le système immunitaire dans son ensemble, en réduisant spécifiquement les réactivations du virus ou par un autre mécanisme » et si « une nouvelle version du vaccin, qui ne contient que certaines protéines du virus et qui est plus efficace pour prévenir le zona, pourrait avoir un impact similaire, voire plus important, sur la démence ».
Enfin, l’équipe, qui s’est penchée sur les données provenant d’autres pays ayant déployé le vaccin contre le zona chez les personnes âgées, retrouve aussi « un signal fort de protection contre la démence ». Les scientifiques souhaiteraient désormais réaliser un essai contrôlé randomisé contre placebo afin de fournir « la preuve la plus solide de la relation de cause à effet » et sont actuellement en attente de financement, « le vaccin vivant atténué n’étant plus fabriqué par l’industrie ». Se pose aussi la question de savoir si un vaccin recombinant avec adjuvant comme Shingrix, autorisé en Europe, est également associé à un risque diminué de démence.
M. Eyting et al., Nature, 2025,
doi.org/10.1038/s41586-025-08800-x
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