Le rivaroxaban pour prévenir les phlébites

Une alternative aux HBPM

Publié le 13/05/2011
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DEPUIS 1999, trois essais thérapeutiques (les études MEDENOX, PREVENT et ARTEMIS) ont démontré que trois héparines de bas poids moléculaire (HBPM) – l’énoxaparine, la daltéparine et le fondaparinux – peuvent diminuer de moitié la survenue de phlébites et d’embolies pulmonaires chez des patients hospitalisés et à risque élevé de phlébite. Sous traitement anticoagulant, il y a eu une augmentation des hémorragies, mais le bénéfice clinique net était en faveur du traitement.

Des études ont par ailleurs démontré que chez les patients de ce type, le risque de phlébite demeure élevé après la sortie du milieu hospitalier. L’étude EXCLAIM, publiée en 2010 et conduite avec l’énoxaparine (contre placebo), avait montré qu’une HBPM peut réduire ce risque de phlébite lorsqu’elle est prescrite de façon prolongée après la sortie du milieu hospitalier. Toutefois, une augmentation significative du risque hémorragique sous énoxaparine a conduit à minorer le bénéfice clinique net d’une prolongation du traitement anticoagulant après la sortie de l’hôpital.

Une nouvelle possibilité thérapeutique.

Un traitement par un anticoagulant actif par voie orale (le rivaroxaban) peut-il être non inférieur pour prévenir le risque de phlébite par rapport à l’énoxaparine chez des patients hospitalisés et à risque élevé de phlébite ? Un traitement prolongé par le rivaroxaban est-il supérieur au placebo pour prévenir le risque de phlébite chez ces patients une fois sortis de l’hôpital ? Telles étaient les questions évaluées dans l’étude MAGELLAN.

Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’incidence des phlébites et des hémorragies majeures sous rivaroxaban, en une prise de 10 mg par jour pendant 35 jours, et sous énoxaparine, en une injection de 40 mg par jour pendant 10 jours, chez des patients hospitalisés et à risque élevé de phlébite. L’étude a été conduite en double aveugle et double placebo.

Les principaux critères d’inclusion ont été un âge au moins égal à 40 ans et une maladie infectieuse, ou inflammatoire ou rhumatismale, ou une insuffisance respiratoire, ou une insuffisance cardiaque ou un AVC ischémique ou un cancer évolutif.

Le critère primaire d’efficacité était composé des phlébites proximales asymptomatiques (détectées en écho-Doppler), des phlébites symptomatiques, des embolies pulmonaires symptomatiques non fatales et des décès en rapport avec une maladie veineuse thrombotique. L’étude a été construite avec un modèle de non-infériorité du rivaroxaban à 10 jours et de supériorité du rivaroxaban à 35 jours.

Le critère primaire de sécurité était composé des événements hémorragiques majeurs en rapport avec le traitement et des hémorragies non majeures mais cliniquement significatives à 10 et 35 jours.

Cette étude a inclus 8 101 patients âgés en moyenne de 71 ans et hospitalisés pendant une durée moyenne de 11 jours.

Un résultat positif à nuancer.

Les résultats à 10 jours ont montré que le rivaroxaban n’est pas inférieur à l’énoxaparine en termes d’incidence d’événements veineux thromboemboliques (incidence de 2,7 % dans les deux groupes). Cependant, il est associé à une incidence significativement plus élevée d’hémorragies majeures (0,6 contre 0,3 % ; risque relatif 2,2 ; p = 0,0318) et d’hémorragies non majeures mais cliniquement significatives (2,8 contre 1,2 % ; risque relatif 2,3 ; p< 0,0001).

Les résultats à 35 jours ont montré que le rivaroxaban est supérieur à l’énoxaparine pendant 10 jours puis au placebo ensuite, en termes d’incidence d’événements veineux thromboemboliques (incidence de 4,4 % dans le groupe sous rivaroxaban et de 5,7 % dans le groupe témoin ; risque relatif 0,77 ; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 0,61-0,96 ; p = 0,021). Cependant, il est associé à une incidence significativement plus élevée d’hémorragies majeures (1,1 contre 0,4 % ; risque relatif 2,9 ; p< 0,0001) et d’hémorragies non majeures mais cliniquement significatives (4,7 contre 1,7 % ; risque relatif 2,5 ; p< 0,0001).

L’incidence cumulée des événements thrombotiques du critère primaire et des événements hémorragiques majeurs à 35 jours a été de 9,4 % dans le groupe sous rivaroxaban pendant 35 jours et de 7,8 % dans le groupe sous énoxaparine pendant 10 jours et placebo pendant les 25 jours suivants, faisant qu’il n’y a pas de bénéfice clinique net du rivaroxaban par rapport à la stratégie du groupe témoin.

La synthèse.

L’étude MAGELLAN est positive en ce sens que les hypothèses évaluées ont été confirmées : le rivaroxaban n’est pas inférieur pour prévenir le risque de phlébite par rapport à l’énoxaparine chez des patients hospitalisés et à risque élevé de phlébite. Son effet est supérieur à celui d’une startégie comprenant de l’énoxaparine puis du placebo pour prévenir le risque de phlébite chez ces mêmes patients une fois sortis de l’hôpital.

L’étude confirme chez ce type de patients, qu’une fois sortis du milieu hospitalier, le risque de phlébite reste élevé (incidence de 3,0 % entre le 10e et le 35e jour) et qu’il est possible de réduire ce risque par un traitement anticoagulant.

Cependant, tant en phase hospitalière qu’au-delà, l’augmentation du risque hémorragique rend compte qu’il n’y a pas de bénéfice clinique net.

Le résultat positif de cette étude en termes d’efficacité doit donc être nuancé par les effets hémorragiques de la stratégie évaluée. L’intérêt respectif d’un traitement par énoxaparine ou par rivaroxaban pendant 10 jours devra être évalué en termes de coût, de facilité et de possibilité d’utilisation si le rivaroxaban obtient une AMM dans cette indication.

D’après la communication de Alexander T. Cohen (Londres) : « Rivaroxaban compared with enoxaparin for the prevention of venous thromboembolism in acutely ill medical patients ».

* Le rivaroxaban est commercialisé sous le nom de Xarelto® par les laboratoires Bayer Schering Pharma dans l’indication de la prévention des événements thromboemboliques veineux (ETEV) chez les patients adultes bénéficiant d’une intervention chirurgicale programmée de la hanche ou du genou (prothèse totale de hanche ou du genou).

 Dr FRANÇOIS DIÉVART

Source : Le Quotidien du Médecin: 8962