LA SYNTHÈSE des essais ayant comparé la chirurgie de pontage coronaire au traitement médical, effectuée sous forme de métaanalyse, avait permis de conclure que le bénéfice de la revascularisation chirurgicale était proportionnel au risque initial du patient. Ce risque est défini par des critères anatomiques et des marqueurs physiologiques, tels le nombre d’artères coronaires sténosées, l’atteinte de l’interventriculaire antérieure (IVA) proximale, l’importance de l’ischémie myocardique et la fonction ventriculaire gauche globale. Bien que ces études avaient exclu les patients dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) était inférieure à 35 % à l’inclusion, une atteinte coronaire est le plus souvent recherchée chez les patients ayant une insuffisance cardiaque, afin de leur proposer une revascularisation chirurgicale susceptible d’améliorer leur pronostic.
En cas de doute sur le bénéfice potentiel d’une revascularisation chez un patient ayant une dysfonction ventriculaire gauche (DVG) et des lésions coronaires, plusieurs études ont indiqué que la revascularisation apporte un bénéfice en cas de viabilité myocardique persistante. Le bénéfice de la revascularisation coronaire par pontage est-il certain chez les patients ayant une DVG avec une FEVG inférieure à 35 %, qu’ils aient ou non des signes de viabilité myocardique ? C’est à cette question qu’a voulu répondre l’étude STICH.
L’étude STICH.
Cet essai thérapeutique contrôlé a inclus 1 212 patients, âgés en moyenne de 60 ans et ayant une DVG (définie par une FEVG inférieure à 35 %) et une maladie coronaire. Les patients ayant une sténose significative du tronc commun coronaire gauche et ceux ayant un angor limitant les activités de la vie quotidienne ne pouvaient pas être inclus dans l’étude. Au départ, la FEVG était en moyenne de 28 % et 91 % des patients avaient des lésions tritronculaires, 68 % une lésion de l’IVA proximale.
Parmi les patients du groupe randomisé pour une chirurgie coronaire, 91 % l’ont effectivement eu, avec dans 91 % au moins un pontage artériel.
Au terme d’un suivi moyen de 56 mois, il n’y a pas eu de différence significative dans l’incidence de la mortalité totale entre le groupe traité chirurgicalement et le groupe traité médicalement (incidence de 36 % dans le groupe opéré et de 41 % dans le groupe traité médicalement ; risque relatif : 0,86 ; IC 95 % : 0,72-1,04 ; p = 0,123).
Les analyses complémentaires ont montré une diminution de la somme de la mortalité totale et des hospitalisations chez les patients ayant eu une chirurgie de pontage.
Par ailleurs, dans le groupe opéré, par rapport au groupe traité médicalement, la mortalité totale a été plus élevée les 30 premiers jours (risque relatif [RR] 3,12 ; p = 0,009), équivalente entre le 31e jour et la fin de la deuxième année puis plus faible entre le 730e jour et la fin de l’étude (RR 0,68 ; p = 0,004).
Aucun apport de l’étude de la viabilité.
Une étude complémentaire a évalué l’effet de la chirurgie de pontage comparativement au traitement médical parmi les 601 patients chez lesquels une viabilité myocardique avait été recherchée par échocardiographie de stress à la dobutamine et/ou par tomographie par émission de positons (1).
Parmi ces patients, 487 avaient une viabilité mise en évidence selon des critères prédéfinis ; 114 n’avaient pas de signes de viabilité.
Les patients ayant une viabilité ont eu un meilleur pronostic que ceux n’en ayant pas avec des incidences respectives de mortalité totale à 56 mois de 37 % chez les premiers contre 51 % chez les seconds. Toutefois, chez les premiers, la FEVG était plus basse et le ventricule gauche plus dilaté. De ce fait, après ajustement sur ces variables, l’existence d’une viabilité n’était plus un marqueur de risque indépendant.
Plus encore, la chirurgie de pontage n’a pas eu de supériorité sur le traitement médical pour réduire la mortalité totale à 56 mois, que les patients aient eu des signes de viabilité ou non.
Deux pratiques remises en cause.
L’étude STICH remet donc en cause deux modalités de la pratique cardiologique. Tout d’abord, celle de la recherche d’une maladie coronaire chez des insuffisants cardiaques afin de proposer une revascularisation pour améliorer la survie. Ensuite celle de la recherche d’une viabilité myocardique pour préciser le type de patients chez qui une revascularisation sera bénéfique.
Plusieurs explications peuvent être fournies à ces résultats. La première est qu’il semble que le taux élevé de mortalité induit précocement par la chirurgie cardiaque obère l’effet de celle-ci sur le pronostic à 5 ans. La seconde est que la qualité du traitement médical de l’insuffisance cardiaque en a possiblement amélioré le pronostic. La troisième est peut-être liée à la méthode de l’étude qui sur certains aspects est imparfaite : effectuée en ouvert (pouvant biaiser le résultat concernant les hospitalisations ultérieures), manque de puissance, non randomisation des patients ayant eu une étude de viabilité…
D’après les communications de Velazquez E.J. (Duke University Medical Center, Durham) “Medical Therapy With or Without Coronary Artery Bypass Graft Surgery in Patients with Ischemic Cardiomyopathy: Results of the Surgical Treatment of Ischemic Heart Failure Trial” et de Robert O Bonow (Northwest University, Chicago) “Influence of Myocardial Viability on Outcome of Patients with Coronary Artery Disease and Left Ventricular Dysfunction Undergoing Medical Therapy With and Without Surgical Revascularization: Results of the Surgical Treatment for Ischemic Heart Failure Trial”.
*Conflits d’intérêts de l’auteur :
Honoraires pour conférence ou conseils pour les laboratoires : Abbott, Astra-Zeneca, BMS, Boehringer-Ingelheim, IPSEN, Menarini, MSD, Novartis, Pfizer, Roche-diagnostics, Sanofi-aventis France, Servier, Takeda.
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