Qu’il s’agisse de lombalgies, de goutte ou d’arthrose, l’obésité a une influence défavorable connue de longue date sur diverses pathologies rhumatologiques. Mais on s’aperçoit aujourd’hui qu’elle augmente également le risque de rhumatismes inflammatoires chroniques, du fait de la sécrétion par le tissu graisseux d’adipokines et cytokines pro-inflammatoires.
Arthrose : pas seulement les contraintes mécaniques
Les liens entre l’obésité et l’arthrose sont les mieux établis. « La corrélation est très nette pour la gonarthrose, avec un risque multiplié par 2 à 4, précise le Pr Eric Toussirot (CHU de Besançon). Pour l’arthrose de la hanche le risque relatif est plus faible, de 1 à 2, sans qu’on en comprenne très bien la raison ». Les doigts sont également concernés avec un risque intermédiaire. L’atteinte de ces articulations non portantes souligne que le stress mécanique n’est pas seul en jeu et la leptine a été incriminée.
Le simple surpoids serait également délétère. Selon une méta-analyse récente, le risque de gonarthrose est multiplié par 2 en cas de surpoids et par plus de 2,5 en cas d’obésité. Une perte de poids, même modérée, entraîne une amélioration des symptômes et limite les changements de volume du cartilage. « En cas de gonarthrose, une perte pondérale de 10 % permet de récupérer environ 30 % de capacité fonctionnelle, commente le Pr Toussirot. Le premier traitement de la gonarthrose, c’est la perte de poids. » L’obésité était considérée classiquement comme un obstacle à la prothèse, mais aujourd’hui les chirurgiens sont moins réticents, à condition que l’IMC ne dépasse pas 35kg/m².
Ostéoporose, une courbe en J ?
Pendant longtemps, on a pensé que le poids protégeait de l’ostéoporose. Aujourd’hui cette action bénéfique est remise en question. En effet, la corrélation inverse entre IMC et risque de fracture est démontrée jusqu’à un IMC de 25 kg/m² seulement. Au-delà de 30 kg/m² le risque de certaines fractures pourrait même être augmenté, à DMO égale, selon des données récentes. Cependant, le facteur de risque majeur de l’ostéoporose reste la maigreur, l’exemple extrême étant l’anorexie, responsable d’ostéoporoses sévères et précoces du fait de la carence œstrogénique.
Rhumatismes inflammatoires, la leptine pointée du doigt
Les liens entre pathologies inflammatoires et obésité, abdominale, en particulier, ont été récemment identifiés. Ils sont plus nets pour le psoriasis et le rhumatisme psoriasique. « C’est plus qu’une comorbidité, estime le Pr Toussirot. Des études longitudinales, notamment la Nurse Health Study (NHS), ont bien montré que l’obésité favorise le développement ultérieur d’un psoriasis ou d’un rhumatisme psoriasique. » Le risque relatif de rhumatisme psoriasique est de 1,83 en cas de simple surpoids. Il augmente régulièrement avec l’IMC, jusqu’à 6,46 au-delà de 35kg/m². Pour la polyarthrite rhumatoïde (PR) les données sont plus contradictoires, mais une méta-analyse récente indique un RR de 1,31 en cas d’obésité et 1,15 en cas de surpoids.
Enfin, des études de cohorte ont montré que le surpoids diminue les possibilités de rémission et altère la réponse aux traitements classiques et aux biothérapies, aussi bien au cours du rhumatisme psoriasique que dans la PR ou la spondylarthrite. Un amaigrissement modéré permet de restaurer une bonne réponse thérapeutique. Maigrir est aussi important pour diminuer le risque CV auquel ces patients sont particulièrement exposés.
Adipokines et cytokines sont, là encore, pointés du doigt, même si leur rôle précis est difficile à établir. « La leptine est pro-inflammatoire, mais les études menées pour corréler ses concentrations à l’évolutivité du rhumatisme psoriasique ou de la PR sont contradictoires, observe le Pr Toussirot. Des essais ponctuels ont été menés avec des anticorps dirigés contre les récepteurs de la leptine, sans résultats positifs. Mais la famille des adipokines comprend plus d’une cinquantaine de molécules et le tissu adipeux sécrète également des cytokines pro-inflammatoire, IL-6 notamment ».
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