Mal connu, l’impact du poids sur l’appareil digestif est pourtant une réalité avec un rôle bien établi dans la survenue de plusieurs cancers digestifs.
L’obésité est notamment incriminée dans l’adénocarcinome de l’œsophage. « À l’échelle mondiale, la progression de l’incidence des adénocarcinomes œsophagiens est considérable et suit la courbe de l’obésité, souligne le Pr Frank Zerbib (CHU de Bordeaux). Il résulte de la dégénérescence d’un endobrachyœsophage, lui-même conséquence d’un RGO, favorisé par l’obésité ». Le risque augmenterait de 55 % pour cinq points d’IMC supplémentaires. D’autres cancers sont impactés : pancréas (+14 % pour cinq points d’IMC supplémentaires) et côlon (+15 %) . Le développement de ces cancers est favorisé par l’inflammation systémique générée par le tissu adipeux. Dans le cancer du côlon, le rôle de l’obésité est renforcé par la consommation de viande rouge, charcuterie et graisse et par l’effet propre du microbiote intestinal.
L’obésité est aussi l’unique facteur étiologique connu de RGO. Du fait de l’augmentation de la pression abdominale qui favorise les remontées acides, l’excès de poids favorise l’apparition de reflux. Mais l’obésité abdominale exerce surtout une contrainte sur la jonction œsogastrique, à l’origine d’une hernie hiatale, elle-même génératrice de reflux potentiels. Le surpoids ne modifie pas l’efficacité des IPP, tandis qu’une perte de poids - même modeste - peut diminuer les symptômes en réduisant la pression abdominale.
Pour sa part, c’est plutôt le tour de taille qui entre en ligne de compte dans la stéatose hépatique et la stéatohépatite non alcoolique (ou NASH). « Les personnes avec un tour de taille > 80 cm chez la femme et 94 cm chez l’homme ont plus de risque de développer une NASH, confirme le Dr Juliette Foucher (hôpital Haut-Lévèque, Bordeaux) et ce risque croit avec le tour de taille. » En revanche, « obésité et stéatose ne sont donc pas directement corrélées ». Pour autant, la NASH pouvant conduire au développement d’une cirrhose puis d’un carcinome hépatocellulaire, l’obésité est donc un facteur de risque indirect de cancer hépatique. Selon une publication de 2016, l'excès de poids augmente le risque relatif de cancer du foie de 21 à 142 %, selon les valeurs d’IMC. Une simple perte de poids de quelques kilos peut améliorer le bilan hépatique, la stéatose et la NASH et donc réduire le risque de cirrhose et de cancer.
Les données sont plus parcellaires pour les pathologies intestinales fonctionnelles. Certaines suggèrent une prévalence augmentée du syndrome de l’intestin irritable chez les obèses, via le microbiote et un facteur psychologique, l’anxiété. Enfin, l’incidence réelle des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI), chez les obèses reste mal connu. La préoccupation actuelle concerne surtout l’impact de l’obésité sur l’efficacité des traitements des MICI. « À part l’infliximab, les traitements sont prescrits sans distinction de poids, pointe Frank Zerbib, et la question de thérapeutiques potentiellement moins efficaces reste posée. »
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