Si les prescriptions médicamenteuses se révèlent plus fréquentes dans la population obèse, la plupart des essais ayant validé la mise sur le marché des produits ont exclu ce type de patients.
Cela soulève de nombreuses questions en pratique clinique car les différences potentielles en termes d’efficacité et de tolérance sont peu connues des praticiens. En effet, l’obésité engendre de nombreuses modifications physiologiques susceptibles de modifier la pharmacocinétique des médicaments.
Le Dr Célia Lloret-Linares, de l’unité de recherche thérapeutique à l’hôpital de Lariboisière, cite par exemple « l’augmentation de la masse grasse comme de la masse maigre » qui pourrait altérer la distribution de certains médicaments en particulier ceux qui sont lipophiles. De même, « l’augmentation du volume sanguin circulant » augmente en parallèle le débit de filtration glomérulaire, ce qui peut accroître la clairance rénale. Mais, malgré ces éléments, il est difficile de prévoir l’impact de la pathologie sur l’efficacité du médicament. « Il ne faut surtout pas faire de généralité », explique l’experte.
Arriver à une conclusion est d’autant plus compliqué que ces modifications de composition corporelle ne varient pas de façon linéaire avec l’IMC. Par ailleurs, « des changements dans la pharmacocinétique ne sont pas synonymes de modifications cliniques ». En outre, on constate une grande variabilité des réponses à des traitements chez les patients obèses comme chez ceux de poids normal « comme avec les opioïdes ».
D’après la spécialiste, ce sont surtout « les médicaments à marges thérapeutiques étroites dont il faut se méfier ». Des questions se posent aussi pour les antidépresseurs où l’inflammation liée à l’obésité pourrait altérer le passage des substances au niveau de la barrière hématoencéphalique mais où il n’existe aucune données. De même pour les pilules du lendemain, l’ANSM avait pointé une moindre efficacité en cas de surpoids mais la question reste débattue. Plusieurs travaux se sont aussi penché sur le paracétamol. Mais si l’on sait que sa diffusion est facilitée chez les obèses, il faudra des études complémentaires randomisées pour savoir si cela compromet son efficacité et si la posologie pourrait être adaptée sans augmenter la toxicité.
Plus généralement, de nombreux travaux devraient être entrepris en particulier pour déterminer l’importance d’un « monitoring spécifique, clinique voire biologique afin d’optimiser les prescriptions ».
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