Privilégier le traitement endovasculaire dans les AVC étendus

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Publié le 07/04/2023
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Avec deux études présentées à l’International Stroke Conference (ICS) 2023, la thrombectomie montre qu’elle est supérieure au traitement médical seul, en termes d’amélioration fonctionnelle, en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) avec une large zone infarcie.
Une amélioration fonctionnelle supérieure avec la thrombectomie endovasculaire, en cas d'infarctus central volumineux à l’imagerie

Une amélioration fonctionnelle supérieure avec la thrombectomie endovasculaire, en cas d'infarctus central volumineux à l’imagerie
Crédit photo : BURGER / PHANIE

Le traitement endovasculaire est devenu la référence pour les AVC par occlusion des gros vaisseaux. Cependant, les essais avaient pratiquement tous exclu les AVC s’accompagnant d’une large zone d’ischémie, alors que les personnes avec ce type d’AVC représentent une population significative. L’essai chinois ANGEL-ASPECT et l’essai international SELECT-2 indiquent que la thrombectomie donne de meilleurs résultats en termes d’invalidité chez ces patients. 

Une amélioration de l’invalidité à trois mois

L’étude ANGEL-ASPECT (1) a recruté 456 patients chinois dans les 24 heures après un AVC par occlusion d’une artère cérébrale, avec un score ASPECTS (évaluant les lésions ischémiques à l’imagerie : 10 pour normal, zéro en cas d’ischémie totale de la zone étudiée) de trois à cinq, ou un volume infarci compris entre 70 et 100 ml. Ils étaient randomisés pour être mis sous traitement médical optimal seul (n = 225) ou associé à la thrombectomie endovasculaire (n = 231). Le score ASPECTS moyen était de 3, et le NIHSS (score diagnostique et de gravité des AVC) median autour de 15.

Le critère principal est la distribution du handicap mesuré par l'échelle de Rankin modifiée (mRS) à 90 jours. Celle-ci évalue le handicap des patients en post-AVC selon cinq niveaux (allant d’aucun handicap à un handicap léger, modéré, modérément sévère et sévère). Le résultat se révèle significativement en faveur du traitement endovasculaire avec un Odds ratio (OR) généralisé de 1,37 (p = 0,004). Le pourcentage de patients avec mRS entre 0 et 2 (correspondant à l’indépendance fonctionnelle) est de 30 % versus 12 %, et entre 0 et 3 (autonomie dans la déambulation) de 47 % versus 33 %, des résultats valables dans tous les sous-groupes. Le volume de l’ischémie est lui aussi réduit (62 versus 90 ml), et l’artère cible a été revascularisée dans 86 % des cas versus 36 % sous traitement médical seul. Le nombre d’hémorragie intracrânienne (HIC) symptomatique est plus élevé après geste endovasculaire, soit 6,1 % versus 2,7 % à 48 heures. « Cet essai montre que le résultat fonctionnel après un AVC de grande taille est bien meilleur après traitement endovasculaire, mais s’accompagne d’un surcroît d’hémorragies intracrâniennes », conclut le Dr Zhongrong Miao (Pékin). Toutefois, cet essai souffrait de quelques limitations, puisque dans le bras médical, une faible proportion de patients bénéficiait d’une thrombolyse intraveineuse et l’urokinase était plus fréquemment utilisée que l’alteplase, qui est plus efficace. Il reste à savoir si les résultats peuvent être généralisés à d’autres populations. 

Bénéfice net de la thrombectomie

Les patients de SELECT2 étaient inclus dans les 24 heures après un AVC lié à une occlusion d’un gros vaisseau (2). L’étendue de la zone ischémiée était évaluée par un score ASPECTS 3 à 5 (au scanner) ou une zone d’hypoperfusion (au scanner ou à l’IRM) d’au moins 50 ml. En moyenne, le score ASPECTS était de 4 et le volume de la région ischémiée autour de 80 ml.

Les critères d’évaluation étaient similaires à ceux d’ANGEL-ASPECT. Il avait été prévu d’enrôler 560 patients dans 29 centres (aux États-Unis, Canada, Espagne, Australie et Nouvelle-Zélande). Cependant, après le recrutement de 352 patients, le comité indépendant d’experts a demandé de revoir les données des 300 premiers sujets après la publication de RESCUE JAPAN LIMIT, montrant clairement la supériorité du traitement endovasculaire.

Le critère primaire, la répartition du mRS à trois mois était nettement en faveur de la thrombectomie (OR généralisé = 1,51, p = 0,004), avec 20 % versus 7 % de mRS entre 0 et 2, et 38 % versus 19 % pour les mRS entre 0 et 3.

Les hémorragies intracérébrales symptomatiques étaient peu fréquentes et pas plus nombreuses avec la thrombectomie endovasculaire (0,6 versus 1,1 %). La mortalité était de 38 % versus 42 %. Après thrombectomie, on a observé 80 % de revascularisations cliniquement pertinentes. Des complications spécifiques à l’intervention endovasculaire sont survenues au site d'accès (chez 3 % des patients) et au niveau de l’artère, ainsi que des lésions vasculaires à type de dissection (5,6 %), de perforations (3,9 %), de vasospasmes (6,2 %).

Les aggravations neurologiques précoces étaient de 25 % après thrombectomie versus 16 %, potentiellement liée à l'œdème autour de l'infarctus. Le bénéfice était constant dans tous les sous-groupes. « Dans SELECT2, l’amélioration fonctionnelle est supérieure avec la thrombectomie endovasculaire chez les patients présentant un infarctus central volumineux à l’imagerie, conclut le Dr Amrou Sarraj (Cleveland). En conjonction avec les résultats de RESCUE JAPAN LIMIT et ANGEL ASPECT, ces données démontrent sans équivoque les avantages d’un geste endovasculaire en cas d’AVC avec ischémie étendue ».

(1) Zhongrong Miao, ICS 2023, abstract LB 20
(2) Amrou Sarraj, ICS 2023, Abstract LB 21

Dr Maia Bovard Gouffrant
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Source : Le Quotidien du médecin