LE STRESS mécanique induit des lésions des cardiomyocytes et contribue à la progression de l’insuffisance cardiaque chez les hypertendus. Très récemment, Y. Teshima et coll. ont montré, sur des cultures de cardiomyocytes de rats nouveau-nés, que l’étirement mécanique s’accompagne d’une augmentation de la production d’espèces réactives de l’oxygène et aboutit ainsi à la mort cellulaire par apoptose et par nécrose (1). Cette mort cellulaire est dépendante de la concentration de glucose. Or, l’insuline exerce un effet cardioprotecteur vis-à-vis de ce stress mécanique en activant la phosphatidyl-inositol-3 phosphate kinase.
Sur le plan clinique, l’étude NICE-SUGAR a montré que l’atteinte de cibles glycémiques variant entre 4,5 et 6,0 mmol/l augmente le risque de mortalité chez les patients qui nécessitent des soins intensifs comparativement à une cible glycémique fixée à 10 mmol/l (2). Le contrôle glycémique intensif accroît également le risque d’hypoglycémie sévère. À la lumière de leurs résultats, les auteurs ne recommandent pas l’atteinte de la normoglycémie chez les adultes en état critique.
Glycémie et mortalité.
L’hyperglycémie est associée à un accroissement de mortalité chez les patients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu. La conférence de consensus publiée en 2008 sous l’égide de l’American Heart Association a ainsi recommandé l’usage de l’insuline et souligné l’importance de la surveillance régulière de la glycémie dans ce contexte (3).
En 1995, l’étude DIGAMI-1 avait suggéré l’intérêt d’une insulinothérapie intensive, intraveineuse (IV) durant la phase aiguë de l’infarctus et poursuivie par voie sous-cutanée (4). Les résultats de l’étude DIGAMI-2 ont confirmé l’importance de la glycémie dans le pronostic des coronariens, mais pas le bénéfice à long terme de l’insulinothérapie par comparaison aux traitements antidiabétiques oraux (5). Il en va de même de l’étude CREATE-ECLA au cours de laquelle une diminution du nombre des événements cardio-vasculaires au 30e jour est apparue contrebalancée par les effets délétères du traitement par glucose-insuline-potassium au cours des trois premiers jours (6).
L’importance d’un strict contrôle glycémique a été clairement établie pour le diabète de type 1. Dans l’étude DCCT/EDIC, l’atteinte d’un taux d’HbA1c moyen de 7 % avec contrôle glycémique intensif a entraîné une réduction de 30 à 76 % du risque de microangiopathie et, à plus long-terme, une réduction de 57 % du risque de coronaropathie (7). Dans le diabète de type 2, la preuve la plus convaincante de l’importance du contrôle glycémique provient d’une récente méta-analyse qui montre que le contrôle glycémique intensif prévient l’infarctus du myocarde (8).
Les résultats de l’étude ACCORD, enfin, avaient mis en évidence une augmentation du nombre de décès chez les diabétiques de type 2 traités intensivement pour faire baisser l’hémoglobine glyquée (9). Mais en réalité, les patients les plus à risque de décès sont les moins bien équilibrés au départ quand ils gardent un taux d’HbA1c élevé malgré l’intensification du traitement, et non ceux qui ont atteint une valeur d’HbA1c particulièrement basse (10).
Hypoglycémies spontanées ou iatrogènes.
Le point qui doit être particulièrement souligné lors de l’utilisation de l’insuline en phase aiguë de nécrose myocardique est le risque d’hypoglycémie, dont l’étude ACCORD a confirmé qu’il est délétère (9).
Un travail récent semble montrer qu’alors que les hypoglycémies sont associées à une augmentation de la mortalité chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde, le risque semble restreint aux patients qui développent une hypoglycémie spontanée (11). En revanche, les hypoglycémies iatrogènes, après insulinothérapie, ne semblent pas associées à une augmentation du risque de mortalité.
Au total, il est essentiel d’éviter les hypoglycémies, en particulier la nuit. Cela justifie les travaux portant sur la mesure du glucose en continu.
D’après les communications des Prs Charles Thivolet (Lyon) et Patrick Henry (Paris).
(1) Teshima Y, et coll. Life Sci 2010 ; 87 (5-6) : 154-61.
(2) NICE-SUGAR study Investigators. New Engl J Med 2009 ; 360 (13) : 283-97.
(3) Deedwania P, et coll. Circulation 2008 ; 117 (12) : 1610-9.
(4) Malmberg K, et coll. J Am Coll Cardiol 1995 ; 26 : 57-65.
(5) Malmberg K, et coll. Eur Heart J 2005 ; 26 : 650-61.
(6) Mehta SR, et coll., CREATE-ECLA Trial Group Investigators. JAMA 2005 ; 293 (4) : 437-46.
(7) Nathan DM, et coll. N Engl J Med. 2005 ; 353 : 2643-53.
(8) Ray KK, et coll. Lancet. 2009 ; 373 (9677) : 1765-72.
(9) The Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group. N Engl J Med 2008 ; 358 : 2545-59.
(10) Riddle MC, et coll. Diabetes Care 2010 ; 33 : 983-90.
(11) Kosiborod M, et coll. JAMA 2009 ; 301 (15) : 1556-64.
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