L’hyperuricémie

Un rôle causal démontré

Publié le 21/01/2013
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L’ACIDE URIQUE est le produit de dégradation final du métabolisme des purines. Dans le sang, il circule essentiellement sous forme d’urate. Grâce à l’uricase, l’acide urique est converti en allantoïne, qui est hydrosoluble et facilement excrétée dans les urines, de telle sorte que plupart des mammifères ont un taux sérique d’acide urique extrêmement bas. En revanche, chez l’homme, le gène codant pour l’uricase étant non fonctionnel, l’acide urique circule dans le sang à concentration élevée et doit être excrété par le rein.

On retrouve une hyperuricémie chez environ 25 % des hypertendus non traités. Le rôle causal de l’acide urique dans le développement d’une hypertension est longtemps resté controversé, tout comme sa place au sein des facteurs de risque cardio-vasculaire. Il était en revanche admis que l’uricémie a une valeur prédictive dans la survenue d’une hypertension artérielle (1).

L’acide urique peut provoquer l’hypertension.

Il revient à M. Mazzali et coll. d’avoir montré en 2001 qu’une hyperuricémie modérée provoque une hypertension et des lésions rénales chez le rat (2). Le mécanisme en cause met en jeu une stimulation du système rénine-angiotensine et l’inhibition de la NO synthase neuronale.

Depuis une dizaine d’années, divers modèles animaux ainsi que des essais cliniques ont plaidé pour un lien plus mécaniste. Le développement de l’hypertension par hyperuricémie se déroulerait en deux phases. Dans un premier temps, l’acide urique induirait une vasoconstriction aiguë par l’activation du système rénine-angiotensine. Cette vasoconstriction serait secondairement suivie par l’absorption d’acide urique dans les cellules musculaires lisses vasculaires, provoquant une prolifération cellulaire et une artériolosclérose qui diminue la natriurèse.

De petits essais cliniques, effectués chez les adolescents souffrant d’hypertension essentielle nouvellement diagnostiquée, démontrent que la réduction de l’acide urique sérique peut diminuer la pression artérielle. Bien que des travaux complémentaires soient de toute évidence nécessaires, les données actuellement disponibles suggèrent, selon D.I. Feig, que l’acide urique a un rôle probablement causal dans certains cas d’hypertension précoce (3).

Une nouvelle approche thérapeutique.

L’allopurinol est un uricofreinateur qui empêche la formation d’acide urique. Il agit en inhibant la xanthine oxydase, qui catalyse la biosynthèse de l’acide urique. Cette molécule est également un substrat pour la xanthine oxydase, qui le métabolise en oxypurinol, lui-même inhibiteur de cette enzyme. La question de savoir si cet hypouricémiant puissant pouvait être éventuellement considéré comme un antihypertenseur méritait donc d’être posée. Dans une étude à court terme réalisée chez des adolescents atteints d’hypertension artérielle récemment diagnostiquée, le traitement par l’allopurinol a effectivement entraîné une réduction de la pression artérielle (4). En raison de ses effets indésirables potentiels, l’allopurinol n’est pas considéré comme un antihypertenseur à conseiller. Mais cet essai a permis d’envisager le développement d’une nouvelle classe d’antihypertenseurs agissant sur la concentration sanguine d’acide urique par un mécanisme d’action très différent. L’urate, très peu lié aux protéines plasmatiques, est filtré librement par le glomérule et son transport ne s’effectue qu’au niveau du tubule proximal. Il est ensuite soumis à une réabsorption et à une sécrétion. Le principal transporteur responsable de la réabsorption de l’urate par le tubule proximal est l’URAT1, human uric acid transporter 1, qui a été découvert en 2002 par Enomoto et coll. (5). Des inhibiteurs de l’URAT1 sont ainsi envisagés comme antihypertenseurs.

D’après la communication de Faiçal Jarraya, Sfax, Tunisie.

(1) New Engl J Med 1966;275(9):457-464.

(2) Hypertension 2001;38(5):1101-1106.

(3) Adv Chronic Kidney Dis 2012;19(6):377-385.

(4) JAMA 2008;300(8):924-932.

(5) Drug Des Devel Ther 2012:323.

(6) Nature 2002;417:447-52.

Dr G. B.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9211