Par Jeanne Mazabraud
Fidèle au poste, Michèle a déjà pris place sur la banquette des « Copains d'abord » lorsque Geneviève pousse la porte de la brasserie.
— Tu es toute belle, s’exclame-t-elle, surprise de la nouvelle allure de son amie.
Coupe ultra-courte, ballerines, simple T-shirt et jean serré, Geneviève semble avoir rajeuni de dix ans.
— Tu m’offres un Kir ? Je veux célébrer ça.
Le « ça » paraît bien vague à Michèle qui passe cependant commande sans perdre une minute, impatiente d’entendre le récit des derniers événements. Lors de leur dernière rencontre elle avait eu en face d’elle une Geneviève défaite, en révolte contre le sort et les hommes qu’elle soupçonnait de l'avoir infectée.
Par la suite, son amie avait répondu de façon laconique – quand elle répondait – à ses appels téléphoniques et à ses messages. Alex, le compagnon de Geneviève (avec lequel Michèle n’avait d’ailleurs jamais vraiment sympathisé), gardait ses distances les rares fois où elle le croisait. Quant à Charles et sa Valérie, ils étaient invisibles, comme s’ils avaient quitté la ville, eux qui hantaient habituellement, comme Michèle, les concerts et les théâtres. Pfft, envolés.
Revoir Geneviève constituait donc un soulagement.
— Note tout de suite ma nouvelle adresse : 43 bis rue Louise-Michel. C’est pas très grand mais il y a un beau balcon qui donne sur les arbres, et Zoé et Pierre ont chacun leur chambre…
Pas de mention d’Alex.
— Nous sommes séparés, poursuit Geneviève. Au moins momentanément.
Une brume passe dans son regard. Tristesse, amertume, ironie, un mélange que Michèle s’efforce de décrypter.
— C’est simple, résume Geneviève : le manque de confiance, voilà tout. Carolus m’a virée pour éviter les scènes dramatiques d’aveu. Il devait fréquenter le papillomavirus depuis un bout de temps puisque Valérie était salement atteinte. Quand je me suis décidée à aborder la question avec Alex il a nié en bloc, me jurant amour et fidélité. Mais je ne parvenais pas à le croire. Et lui, de son côté devenait de plus en plus suspicieux. Bref, ça ne marchait plus entre nous. J’ai repris ma liberté. Et je me sens beaucoup mieux comme ça.
— Et ta santé ? risque timidement Michèle.
Geneviève extirpe une lettre de son sac :
— Tiens, lis.
« Chère Madame,
Veuillez trouver ci-joint un exemplaire de l’examen cytologique qui a été fait lors de votre dernière consultation. Il ne présente aucune anomalie. », signé Doc Gynéco.
— Eh oui, triomphe Geneviève, l’infection par papillomavirus est fréquente mais ne conduit pas systématiquement à un cancer. Loin de là même. Dans la majorité des cas, le virus est naturellement éliminé par l’organisme. Comme dit Doc : « vous vous êtes nettoyée vous-même ». C’est ce que prouvent les derniers examens. Génial, non ?
Elles boivent leur Kir en silence, comme si elles prenaient le temps d’évaluer avec chaque gorgée, chacune à sa manière, ce que cette guérison en avait coûté de souffrance et de chagrin.
— On ne se nettoie pas aussi vite des blessures d’amour, concède Geneviève à mi-voix.
C’est alors que son portable vibre. Coup d’œil furtif sur l’écran.
— Excuse-moi, je dois y aller. Il m'attend.
Et elle s’envole, laissant son amie interpréter l’énigme à sa guise.
Une nouvelle histoire courte dans notre édition du 7 avril

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