Par Jeanne Mazabraud
Une fois les deux amies arrivées chez Michèle, Geneviève semble avoir retrouvé son calme.
« Mais c’est pire », se dit in petto Michèle. Elle prépare une tisane légère, choisit un CD apaisant. Geneviève triture son portable dans un clapotis ininterrompu de touches.
— Écoute ça, s’exclame-t-elle, « un résultat positif démontre uniquement la présence du virus, mais la valeur prédictive positive pour le risque de développement d’un cancer est faible, de 10 à 20 %. » Qu’est-ce que cela veut dire ?
— Tout simplement qu’il ne faut pas s’affoler, rétorque Michèle, prudente. Silence.
— Bon tu te mets à table, oui ou non ? enjoint Michèle.
Geneviève raconte sans fausse pudeur :
— Oui, ils sont deux. En l’occurrence ça fait deux de trop, si j’en crois les résultats du Doc Gynéco, précise-t-elle, amère. Alex, le père de mes enfants, est, certes, un type bien. Il ne rechigne ni à faire les courses, ni à conduire les gamins à la piscine. Mais l’usure du temps, les sautes d’humeur de l’un et de l’autre…
Combien de fois t’ai-je raconté nos querelles, l’envie de tout plaquer pour la liberté ? Mais il y a les enfants. Et puis nous avons de belles réconciliations au lit. Cependant, quand Carolus est rentré d’expatriation, tout a changé.
— Carolus ?
— Charles, si tu préfères.
Charles avait été, des années auparavant, « dans le paysage » de Geneviève. Ils se croisaient souvent, par obligation professionnelle. Intelligent, beau parleur, il avait l’art des sous-entendus pour dévier un entretien vers le flirt sans jamais y tomber. « Il a un jeu de jambes formidable », ironisait un collègue de Geneviève.
— Tu me connais : pas question de mêler le boulot et le sexe. Le piège à éviter à tout prix !
– Oui et alors ? s’impatiente Michèle.
– Il s’expatrie ; je tire d’autant plus facilement un trait qu’il n’y avait rien à rayer. Et puis quand il rentre, on n’a plus de relations professionnelles, mais il reprend contact. Et… voilà.
Il est entendu, précise encore Geneviève, que cette « histoire » ne doit avoir aucune conséquence sur la vie de couple de l'un et de l’autre.
— Ah, parce que Carolus… ?
— Oui, il est remarié. Mais c’est un vrai coureur. Je suis convaincue de ne pas être la seule…
Geneviève s’interrompt, consciente soudain des implications médicales de cette dernière phrase.
— Et Alex, enchaîne Michèle, comment peux-tu être sûre de sa monogamie ?
Hésitation. Silence. Douleur. Un univers s’écroule. Jusqu'à la consultation chez Doc Gynéco, Geneviève vivait sur un nuage. Elle jonglait avec légèreté entre son partenaire régulier et Carolus. Cet homme-là, « baiseur magnifique », avait l’art de susciter le bonheur extrême et la pire des angoisses. Le désir, sel de la vie. L’incertitude, mère de toutes les peurs. Car il pouvait, du jour au lendemain, annoncer que tout était fini. « C’est notre contrat de coïtus interruptus », disait-il en riant. Geneviève disposait du même pouvoir, mais elle avait décidé de ne pas choisir entre ses deux mecs, de ne pas donner de nom à ce qu’elle éprouvait. Et la vie, au jour le jour, lui paraissait belle. Or le danger, le vrai, mortel, la happait brutalement.
— Je risque ma vie. J’ai peur. Je ne peux pas rester comme ça. Il faut que je sache, répéta-t-elle à son amie.
Impuissante, Michèle eut un geste de tendre affection :
— D’abord, prends soin de toi.
Prochain épisode dans notre édition du 10 mars

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