Un problème royal

#2 Celui qui trône

Publié le 12/10/2017
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— Euh… Bonjour ? hasarde Senedj face à Pharaon.

On a beau être plus de quatre mille ans dans le passé, il est des règles de politesse élémentaire qui demeurent intemporelles.

Un individu sort de l’ombre et s’approche du trône. C’est un grand homme, à la peau acajou, au profil d’aigle. Senedj le reconnaît ! C’est la statue parlante d’Aîn-ech-Chams ! L’homme murmure à l’oreille du roi. Ce dernier hoche la tête, dans l’ombre de sa coiffe de linge plissé. Il lève sa crosse, les gardes relèvent Senedj et ensemble ils quittent la salle. Précédés de l’étrange personnage, ils entrent dans une pièce à l’arrière du palais. Il s’agit d’un bureau, agrémenté de plantes et d’une table en pierre de Bekhen encombrée de plans, dessins et croquis.

L’homme fait un signe aux gardes, qui libèrent Senedj et quittent la pièce. Un silence lourd s’installe. L’homme l’observe, le scrute, comme s’il voulait lire l’intérieur même de son âme… Mal à l’aise, Senedj s’agite, l’homme prend parole.

— Chancelier du roi de Basse-Egypte, premier après le roi de Haute-Egypte, Administrateur du Grand Palais, Noble Héréditaire, Grand Prêtre d’Onou, Constructeur, Sculpteur, Médecin, fils de Ptah, de Cheredou-ânkh, conjoint de Ronpetnofret… D’aucuns me connaissent sous le nom d’Imhotep, peut-être as-tu entendu parler de moi ? dit-il nimbé par la lumière du couchant.

— Enchanté, euh, je suis Senedj… Toubib, également…

— Je sais qui tu es, tu es là de mon fait. Mais tu dois avoir faim.

Un serviteur apparaît, portant un plateau où se trouvent pain, dattes et sycomores, ainsi que des brocs de bière et d’eau.

— Sustente-toi, Senedj du futur, profite des fruits du Nil, tant qu’il y en a… Tu dois te demander pourquoi je t’ai fait venir ici, continue l’architecte en faisant courir ses longs doigts sur le bureau. C’est que j’ai besoin de toi ! De tes lumières, dans un domaine qui m’est cher… la médecine ! Vois-tu, j’écris un traité, le premier et le plus grand, celui qui donnera naissance à tous les autres ! Viens avec moi.

Tous deux s’engagent dans des couloirs ombragés du palais qui longent le Nil.

— Je m’aide des cas pratiques sur lesquels je travaille, continue Imhotep. Et là… Je fais face au cas le plus pernicieux que j’aie jamais eu à traiter : un mal, puissant, qui ronge le corps par l’intérieur. Je sais que je vaincrai, mais pour ça, j’ai besoin de toi, de tes connaissances, de la science de ton époque. J’ai besoin que tu sauves mon patient, avant qu’il ne soit trop tard, dit tristement Imhotep en prenant une fleur de papyrus qui, mourante, se délite entre ses doigts.

Il n’y a pas un bruit sur les berges du fleuve. Tous les oiseaux ont quitté son lit, tout est calme. Un peu plus loin, amarrée à un ponton, se trouve une grande barge où œuvrent gardes et prêtres.

— Comment avez-vous fait pour venir me chercher, à mon époque ? Et comment se fait-il que je puisse comprendre votre langue ?

— Mon patient m’a aidé, il n’est pas vraiment… humain.

— Pas humain ! Mais…

— J’ai… non, l’Égypte, le Monde a besoin de toi ! Vas-tu nous aider ? Sauver mon patient sera le seul moyen de rejoindre ton époque… et pour le monde entier, de vivre.

Le grand architecte a l’air perdu, acculé. Senedj déglutit. Il n’a pas vraiment le choix.

— Dans ce cas, je vais vous aider !

Un sourire reconnaissant se dessine sur les traits d’Imhotep.

— Parfait. J’espère que tu as le pied marin ! dit l’architecte en se tournant vers l’imposante barge sur le Nil.

Prochain épisode dans notre édition du 19 octobre

 

Avec la collaboration de   logo-fond-gris-2000_1.png 





Source : Le Quotidien du médecin: 9609