Vis-à-vis de la sexualité et de la contraception des adolescents, les médecins doivent faire face à des changements comportementaux et sociétaux. Pour le Dr Nora Alloy, gynécologue (hôpital Jeanne-de-Flandre et centre Oscar- Lambert à Lille) intervenue aux cinquièmes Journées AIUS/Sexogyn les 21 et 22 septembre à Aix-en-Provence, on assiste à l’émergence d’un « nouvel ordre contraceptif avec, de manière globale, une défiance envers les hormones ». Les données chiffrées du Baromètre Santé 2016 de Santé publique France montrent d’ailleurs une récente évolution des moyens contraceptifs. Cela concerne toutes les tranches d’âge, en particulier les 15- 19 ans : si la pilule reste la méthode la plus utilisée, son usage a légèrement diminué, passant de 48,3 % en 2010 à 44,4 % en 2016. Les usages du patch/ anneau et de l’implant ont quant à eux augmenté, même s’ils restent modestes (1,1 % pour les premiers et 3,5 % pour les seconds en 2016).
L’info via les réseaux sociaux
Pour le Dr Nora Alloy, les attentes diffèrent d’une jeune fille à l’autre, surtout en raison de leur niveau de connaissance : « Certaines ne savent rien ou presque et sont en demande d’information, d’autres ont des craintes liées aux effets secondaires des contraceptifs hormonaux. La prise de poids est un grief fréquemment mis en avant par les adolescentes. Tout comme l’acné, en réalité souvent atténuée par la pilule ! En plus d’apporter des réponses, il est donc important de déconstruire des croyances ou autres idées reçues, en partie véhiculées via les réseaux sociaux. » Aujourd’hui, certaines jeunes femmes préfèrent se tourner vers des méthodes contraceptives naturelles, sans forcément en parler au médecin, préfigurant qu’il y sera opposé. « Ces méthodes nécessitent une très bonne connaissance de leur corps et ne sont donc pas toujours adaptées aux très jeunes femmes. Il faut informer de leur moindre efficacité, comparée à d’autres méthodes comme les contraceptions hormonales », précise le Dr Alloy. Même si le médecin doit répondre aux attentes de la jeune fille, il argumentera sur l’importance d’associer préservatif et contraception.
Enfin, d’après un article du 25 septembre du BEH, la contraception d’urgence (CU) est particulièrement utilisée chez les plus jeunes. Une étude conduite en 2016 montre que 21,4 % des femmes âgées de 15-19 ans exposées à un risque de grossesse non prévue ont utilisé au moins une fois la CU au cours des 12 derniers mois. De façon globale, chez les 15-49 ans, malgré un accès facilité à cette contraception, son utilisation n’a pas augmenté ces dernières années.
Sexualité, il n’y a pas que le sexe
En dehors des consultations dédiées à la contraception, les occasions d’aborder les sujets de sexualité avec les jeunes sont très rares. Aux Rencontres de Santé publique France (31 mai 2018), lors d’une session co-organisée avec le Collège de la médecine générale sur la sexualité des adolescents, le Dr Philippe Carrère (DUMG Antilles- Guyane, Inserm UMR2017 et IFERISS) indiquait : « Un nombre très limité d’ados viennent en consultation pour parler de sexualité, on tâchera alors de le faire dans d’autres circonstances, par exemple lors d’une remise de certificat médical ou d’une virose banale. » Le Dr Carrère préconise aussi d’en parler en dehors du cabinet, en particulier dans des établissements scolaires si le médecin y est invité. Et de quoi parler au juste ? « Nous devons aborder les trois dimensions de la sexualité : biologique, psychologique et sociale », explique le Dr Carrère. « Les notions de consentement et de respect de soi et de l’autre sont primordiales. Elles doivent structurer nos actions de prévention, sans tabou ni jugement. » Pour le Dr Patrice Huerre, pédopsychiatre et qui participait à ces rencontres, « durant l’âge intermédiaire que représente l’adolescence, les questions des sentiments amoureux et du désir sexuel sont majeures. L’adolescent peut se sentir gêné par une discordance entre l’un et l’autre, entre la tendresse et la sensualité. » L’accès aux images pornographiques constitue également un problème, d’après le Dr Patrice Huerre : « En fin de primaire, un enfant sur deux en a vu, sans forcément les avoir recherchées. Attention car ces images peuvent apparaître comme des modèles de leurs futures relations sexuelles. »
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