En 2018, les nourrissons français oscillent entre excès et insuffisances d’apports nutritionnels. Alors que la consommation en protéines demeure très supérieure aux apports de sécurité, l’apport lipidique reste inférieur aux recommandations. Concrètement, les très jeunes enfants consomment jusqu’à quatre fois plus de protéines que conseillé, avec plus de 40 g/j entre 18 et 35 mois pour un apport de sécurité entre 10 et 12 g/j (enquête Nutribébés-SFAE 2013) avec à la clef une sollicitation rénale augmentée et un risque d’excès de poids ultérieur. Quant aux apports lipidiques, qui devraient représenter 45 % de l’apport énergétique total avant trois ans, un tiers des enfants de 18 mois à trois ans n’atteint pas les recommandations. Or, d’un apport suffisant dépendent le développement cérébral, oculaire, dermatologique et l’absorption des vitamines liposolubles.
Comme depuis de nombreuses années, les apports en sel font aussi partie des consommations excessives y compris chez l’enfant (1 000- 1 200 mg/j entre 18 et 35 mois pour un apport conseillé de 1 000 mg/j maximum entre un et trois ans), avec le risque d’une augmentation des chiffres tensionnels et une appétence pour le sel démontrée dans les études. Par ailleurs, « les enfants consomment trop de sucres rapides et insuffisamment de fibres et de glucides complexes, assure le Dr Alain Bocquet, responsable du groupe nutrition de l’Association française de pédiatrie ambulatoire. Or, ils devraient représenter chez eux entre 40 à 50 % de l’apport énergétique total journalier. »
Régimes “déviants”
D’où « l’intérêt du lait de croissance au moins jusqu’aux trois ans de l’enfant, résume le spécialiste, fournissant la juste quantité de protéines (deux à trois fois moins que le lait de vache), des acides gras essentiels, moins de sel, plus de lipides et beaucoup plus de fer dont la consommation est aussi insuffisante ».
Depuis quelques années, les pédiatres s’inquiètent aussi des régimes déviants, orthorexiques et potentiellement délétères chez l’enfant, comme le végétalisme, le véganisme et tous les régimes d’exclusion (sans produit carné, sans produit laitier). « On est passé du plaisir de manger à la peur de manger », dénonce le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatrique (Hôpital Trousseau, Paris). Les résultats d’une enquête Credoc reconduite à 20 ans d’intervalle sont très évocateurs. À la question « Qu’est-ce que le mot "alimentation" évoque-t-il pour vous ? », en 2018, les mots "sans" et "bio" ont remplacé "bon" et "goût". En 2017, l’association européenne de pédiatrie a confirmé les risques de carences liées à une alimentation végétalienne chez l’enfant, en vitamine A, B2, B12, D, fer, zinc, calcium, DHA, et en protéines chez le nourrisson. Ce risque a conduit les sociétés de nutrition pédiatrique française et européenne (comité de nutrition de la SFP, ESPGHAN) à émettre des recommandations pour les enfants végétaliens qui préconisent une supplémentation en fer métal (après dosage de la ferritinémie), en calcium (selon l’âge et les autres apports), en vitamine B12, vitamine D et DHA.
De façon plus confidentielle mais préoccupante, la substitution du lait de vache par les divers jus végétaux (amandes, châtaigne, riz, etc.) est une mode qui s’installe, pouvant être préjudiciable à l’enfant, notamment chez les nourrissons de moins d’un an, comme le montre une étude française de 2018. Avec le plus souvent des impacts de sévérité moyenne (cassure staturo-pondérale, oedème diffus, anémie ferriprive…) mais aussi, dans de rares cas, des complications sévères ou très sévères (état de mal convulsif par hypocalcémie, détresse respiratoire par alcalose métabolique, fracture osseuse, etc.).
« Le défi actuel est comportemental et précisément éducationnel. Plus que jamais, les parents doivent décider et donner l’exemple, en faisant goûter des aliments nouveaux (y compris les aliments riches, trop “diabolisés”) pour diversifier la palette gustative future de l’enfant. Tout en veillant à ce que l’alimentation soit un plaisir et non l’objet d’enjeux conflictuels », expose le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition & activité physique à l’Institut Pasteur de Lille.
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