Neuf mois après l'extension de l'obligation vaccinale à 11 maladies pour les nourrissons nés depuis le 1er janvier 2018, il est trop tôt pour en évaluer l'impact sur les taux de couverture.
Tout juste peut-on remarquer que cette mesure ne semble pas avoir entraîné les mouvements de défiance que certains craignaient. Selon une enquête menée fin juin par Ipsos pour le Leem (organisation professionnelle des entreprises du médicament), 83 % des Français sont favorables à la vaccination contre 69 % lors de l’édition 2016 de l’Observatoire sociétal du médicament. La confiance paraît donc en partie revenue, même s’il est difficile de mettre cette évolution sur le compte de l’obligation vaccinale.
Mais pour le Pr Vincent Renard, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), une majorité d’opinions favorables n’indique rien sur le fond, « qui est de savoir si cette mesure aura un impact sur les personnes qui ne faisaient pas vacciner leurs enfants ».
Les adolescents toujours en reste
De plus, « l'obligation ne répond pas à la problématique actuelle de la couverture insuffisante chez les plus âgés. Il aurait fallu mettre l'accent sur les rappels des adolescents et des adultes jeunes ».
Pour preuve, l’exemple de la rougeole. « On peut penser que l’obligation va régler le problème de la couverture vaccinale des nourrissons, mais cela ne mettra pas fin au problème de la rougeole, confirme le Pr Daniel Floret, pédiatre et vice-président de la commission technique de vaccination de la HAS, car plus d’un million d’adolescents et d’adultes jeunes ont échappé à la vaccination. Il faudrait un rattrapage pour les personnes nées après 1980. On pourrait faire mieux en organisant des campagnes de vaccination en milieu scolaire et universitaire. Mais la France ne s’est jamais remise des polémiques concernant la vaccination contre l’hépatite B. »
Autre exemple, la couverture contre la méningite C est très décevante. « Les recommandations n’ont pas été appliquées, de sorte que l’incidence n’a pas baissé et l’on observe même une augmentation des cas notamment chez les moins d’un an, qui auraient dû être protégés par l’immunité de groupe », précise le Pr Floret. Cela a conduit à ajouter une première dose à cinq mois, ce qui semble porter ses fruits. Mais le problème de fond de la vaccination des adolescents et des adultes jeunes, qui sont les porteurs du méningocoque C, n’est pas réglé. Avec le même schéma que nous, les Pays-Bas ont éliminé la méningite C. Les médecins n’ont pas compris l’importance de cette vaccination. »
Formation : les médecins dans l’expectative
La formation des praticiens est ici clairement mise en question. « On ne voit guère émerger les campagnes d'information et de sensibilisation, censées accompagner l'extension de l'obligation vaccinale, regrette le Pr Renard. Il faut aussi hiérarchiser les actions pour le DPC, actuellement totalement saupoudrées. On ne peut pas continuer à indemniser les professionnels pour des formations non fondamentales, alors que la vaccination est prioritaire. »
CALENDRIER VACCINAL : QUELLES ÉVOLUTIONS ?
Selon le Pr Floret, les prochaines éditions du calendrier vaccinal devraient être peu modifiées concernant les enfants, même si différents dossiers sont sur la table. Par exemple pour la coqueluche, certains pays ont mis en place une vaccination des femmes enceintes pour protéger les tout-petits. « C’est une question qui devra être abordée en France », estime le Pr Floret. Autre sujet d’actualité : celui de la vaccination HPV des garçons. Le HCSP a publié en 2016 un avis jugeant non pertinent la vaccination universelle des garçons, en raison notamment du fiasco de la vaccination chez les filles. Mais « ce n’est pas gravé dans le marbre, observe le Pr Floret et il est logique de regarder si des éléments nouveaux seraient susceptibles de modifier cette recommandation ».
Des questions se posent aussi pour la varicelle. Certains pays vaccinent d’autres non. Le problème, souligné par le HCSP, est qu’il faut obtenir plus de 90 % de couverture vaccinale chez les nourrissons pour éviter que la maladie se déplace vers des âges plus élevés. Or la varicelle chez l’adulte n’est pas une maladie bénigne. « La menace d’une couverture insuffisante risque de peser en faveur de l’abstention en France. »
Article suivant
Alimentation infantile, entre trop et trop peu
Vaccination, l’obligation n’a pas tout réglé
Alimentation infantile, entre trop et trop peu
Contraception, les ados se posent plus de questions
Douleur, les antalgiques effraient toujours
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation