LA GOUTTE est aujourd’hui encore le plus fréquente des rhumatismes inflammatoires chez l’homme. Sa prévalence est d’environ 1,4 % en Europe, soit trois fois plus que la polyarthrite rhumatoïde. La goutte résulte d’un trouble du métabolisme des purines, dont la conséquence est une hyperuricémie prolongée qui entraîne le dépôt de cristaux d’urate de sodium d’abord dans les articulations, où ils sont responsables d’une réaction inflammatoire aiguë, puis, à terme, dans les tissus mous (tophi) et le rein. Longtemps négligée et trop souvent considérée comme bénigne, la goutte est une maladie invalidante, qui se manifeste par des crises articulaires très douloureuses et peut être à l’origine de complications sévères avec destruction des articulations, lithiase urinaire et néphropathie.
La goutte a bénéficié ces dernières années d’avancées majeures, tant sur le plan physiopathologique que thérapeutique. Il est maintenant démontré que les facteurs génétiques jouent un rôle important dans la régulation de l’uricémie. Dans la pathogénie de la goutte primitive, ils sont intriqués avec des facteurs alimentaires - consommation excessive d’aliments riches en purines d’origine animale, en fructose (sodas), alcool (bière et spiritueux), régime hypercalorique et riche en hydrates de carbones - et d’autres facteurs de risque, comme l’obésité ou l’excès de poids.
La prise en charge de la goutte associe l’évaluation et la correction des facteurs de risque et des comorbidités qui lui sont fréquemment associées (syndrome métabolique, hypertension artérielle, hyperlipidémie, diabète, insuffisance rénale…) ; le traitement des accès aigus (immobilisation et glaçage, colchicine et/ou AINS. En cas de contre-indication à ces deux traitements, la corticothérapie est la seule option thérapeutique mais elle expose à une toxicité potentielle) [1, 2] ; enfin, le traitement hypo-uricémiant, dont l’objectif est de favoriser la dissolution des cristaux et d’en prévenir la formation, grâce au maintien de l’uricémie en deçà du seuil de saturation pour l’urate de sodium, c’est-à-dire ≤ 360 micromol/l (60 mg/l).
Le rôle prépondérant de l’IL-1 ß
La réaction inflammatoire déclenchée par les cristaux d’urate monosodique est caractérisée par un début brutal et une résolution spontanée. Elle résulte d’une interaction entre les cristaux et les cellules qui composent l’articulation (synoviocytes, macrophages, monocytes et polynucléaires neutrophiles).
Des travaux récents ont mis en avant le rôle prépondérant de l’interleukine-1ß dans le déclenchement de l’accès aigu. L’ll-1ß est une cytokine majeure de l’inflammation et de la réponse immunitaire innée. Synthétisée sous une forme inactive, l’Il-1ß doit subir un clivage intracellulaire pour être biologiquement active. L’enzyme responsable est la caspase-1. Le complexe moléculaire responsable de l’activation de la capsase-1, appelé inflammasome, est composé d’un récepteur intracellulaire de l’immunité innée (NALP) et d’un adaptateur ASC qui permet le recrutement de la caspase-1 au récepteur. L’inflammasome le mieux décrit est formé par le récepteur NALP3 dans les monocytes. Son activation par les cristaux d’urate induit une forte production d’IL-1ß, cytokine qui est à l’apex de la réaction inflammatoire, contribue à l’inflammation chronique et à l’érosion de l’os (3).
La mise en évidence du rôle de l’IL-1ß a incité à évaluer l’efficacité des inhibiteurs de cette cytokine dans le traitement de la goutte, en particulier pour les patients qui ont soit une réponse insuffisante aux traitements habituels (colchicine, AINS) soit une contre-indication à ces traitements (insuffisance rénale). Le canakinumab (anticorps monoclonal anti-IL-1ß) a apporté des preuves intéressantes de son efficacité dans le traitement des crises de goutte. Les résultats d’un essai multicentrique de phase II montrent qu’il apporte un soulagement rapide et soutenu de la douleur chez les patients avec des accès goutteux et qu’il réduit significativement le risque de récurrence des accès par rapport à l’acétonide de triamcinolone.
Conférence de presse organisée par les laboratoires Novartis avec la participation des Pr Thomas Bardin (Paris ) et Alexander SO, (Lausanne)
(1) Rider TG, Jordan JM. Rheumatology 2010;49:5-14.
(2) Terkeltaub R, Bushinsky DA, Becker MA. Res Ther 2006 (suppl. 1) S4.
(3) Schlesinger N, Thiele R. Ann Rheum Dis 2010;69:1907-12.
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