Les antidépresseurs tricycliques dérivent tous d’une même molécule, l’imipramine, lancée en 1958 comme antidépresseur. Cette famille comprend aujourd’hui une dizaine de molécules : amitriptyline, amoxapine, clomipramine, dosulépine, doxépine, imipramine, maprotiline, opipramol, quinupramine, trimipramine, mélitracène. Elles agissent principalement comme inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Les tricycliques sont aujourd’hui beaucoup moins prescrits que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), molécules plus récentes associées à une meilleure tolérance. « Leur part de marché était égale à 60 % en 1980 et n’atteignait que 7 % en 2001. Les tricycliques sont actuellement réservés aux dépressions résistantes de niveau 3 et 4, a expliqué le Pr Philippe Fossati (Pitié-Salpêtrière, Paris). En termes d’efficacité, ils restent une référence. Plusieurs études ont montré qu’ils étaient plus efficaces que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine dans la dépression avec mélancolie et dans les dépressions sévères et/ou avec caractéristiques psychotiques. Cependant, ils peuvent être responsables d’effets secondaires importants (cardiotoxicité) et la perception d’une mauvaise balance bénéfice/risque subsiste. »
Les tricycliques sont en effet potentiellement très dangereux en intoxication aiguë et leur utilisation doit être particulièrement prudente chez les patients suicidaires. C’est ce qui explique qu’ils soient prescrits principalement après l’échec d’autres traitements. Mais, en cas de non-réponse à d’autres classes d’antidépresseurs, ils gardent leur place du fait de leur grande efficacité.
Imao : anticiper les effets secondaires, c’est possible
De manière encore plus exceptionnelle, les inhibiteurs de la monoamine oxidase (Imao) continuent encore d’être prescrits. Il est important d’avoir un choix thérapeutique pour gérer le problème de la résistance. 20 à 30 % des patients souffriraient de dépression chronique résistante avec un risque de suicide. « Les effets secondaires des Imao font peur. Or, ils sont connus et peuvent être anticipés », a souligné le Dr Olivier Guillin (Rouen). Il s’agit principalement sont l’hypotension orthostatique et la crise hypertensive.
L’hypotension orthostatique est fréquente et souvent cause d’arrêt précoce. Il faut donc diminuer les antihypertenseurs avant de donner des Imao, conseiller au patient de bien s’hydrater et faire une titration prudente avec augmentation de la dose tous les 14 jours.
La crise hypertensive, quant à elle, est un évènement rare : 5 % de risque par patient et par année de traitement. Les principaux symptômes sont les céphalées, les palpitations, les nausées, les vomissements, les sueurs, la tachycardie… Elle peut avoir des conséquences sérieuses. Pour l’éviter, il faut prendre des précautions strictes et respecter les contre-indications médicamenteuses et alimentaires.
Les principaux médicaments contre-indiqués sont les antidépresseurs tricycliques, ISRS, IRSN, certains analgésiques (fentanyl, tramadol), anesthésiques, certains antitussifs (dextrométorphan)… Un délai d’au moins 14 jours entre l’arrêt des tricycliques et la prise d’un Imao doit être respecté. La demi-vie de la fluoxétine étant plus longue, elle doit être arrêtée 3 mois avant d’initier un traitement par Imao.
En ce qui concerne l’alimentation, le patient doit observer un régime pauvre en tyramine. Les aliments contre-indiqués sont essentiellement les fromages fermentés et longtemps affinés (emmenthal, Stilton, cheddar, brie, parmesan, roquefort…) et la bière non pasteurisée. Il faut également éviter le restaurant chinois (produits fermentés à base de soja), la choucroute, les poissons ou viandes fumées âgées, les fèves et fruits secs.
« Les Imao ne sont donc pas si compliqués que cela à utiliser lorsqu’on en a l’habitude. Ce sont des molécules de troisième intention qui peuvent s’avérer très efficaces dans les dépressions atypiques, les dépressions non mélancoliques anergiques avec troubles anxieux », a souligné le Dr Guillin.
Exergue : Des molécules pas si compliquées à utiliser lorsqu'on en a l'habitude, et qui peuvent s'avérer très efficaces
D’après la session « Jurassic Pharmaco »
Article précédent
Migraines, liaisons dangereuses
Article suivant
La psychiatrie à l’heure de la rupture du lien social
Suicide et météo
Le stress post-traumatique du Covid-19
Face à l’enfant tyran
Le double défi de la dépression bipolaire
Migraines, liaisons dangereuses
Les anciens antidépresseurs ont-ils encore une place ?
La psychiatrie à l’heure de la rupture du lien social
Schizophrénie résistante : pour la clozapine
Les SMS du congrès de l'Encéphale 2021
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024