Toux chronique

Quels liens avec les allergies?

Publié le 20/05/2011
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Crédit photo : S Toubon

Motif de consultation extrêmement fréquent, la toux chronique pose au praticien le problème de son étiologie. « En matière d’approche diagnostique, il n’y a pas de recette ou de protocole univoque », prévient d’emblée le Dr Philippe Carré, qui rappelle que la toux est un réflexe, plus sensible chez la femme, inhibé par le tabac et stimulé par de nombreux facteurs : inhibiteurs de l’enzyme de conversion, infection respiratoire, asthme, reflux gastro-œsophagien, pathologies rhinosinusiennes…

Face à une toux chronique (plus de 8 semaines) dans un contexte allergique, et après la réalisation systématique d’une radiographie pulmonaire, quatre grands types d’étiologies prédominent : les manifestations d’hypersensibilité, médiées par les IgE -asthme ou rhinites allergiques-, les formes atypiques de pneumopathie d’hypersensibilité et certaines « allergies » médicamenteuses.

Une enquête menée chez 575 adolescents a souligné, à côté du cornage et de la dyspnée, la signification particulière de la toux sèche nocturne sans infection bronchique ou ORL associée. Elle constitue le meilleur facteur prédictif d’asthme (OR = 8,8 ; IC 95 % : 6,1-12,7). « La toux peut être le symptôme prédominant d’un asthme, allergique ou non, elle peut persister malgré un bon contrôle de celui-ci et peut également être le premier signe d’une rechute, indique le Pr André-Bernard Tonnel. La toux chronique équivalent d’asthme, sans sibilants, est plus fréquente chez l’enfant. Le diagnostic d’asthme ne doit alors pas être récusé du fait de l’absence d’une hyperréactivité bronchique, dont la spécificité est certes élevée, mais la sensibilité faible ».

Du côté de la rhinite, rhinorrhée, éternuements et congestion nasale constituent la triade symptomatique. La toux, parfois présente, n’est pas un élément discriminant entre rhinite allergique et non allergique. Dans un contexte d’asthme et de rhinite en lien avec l’allergie, certains facteurs peuvent accentuer la toux. Parmi eux, l’inflammation allergique et l’éosinophilie locale abaissent le seuil de réactivité tussigène. Certains types d’allergènes, notamment les agents fongiques (moisissures) peuvent déclencher la toux. Enfin, la pollution, extérieure ou de l’habitat, potentialise les conséquences des allergies.

Autre étiologie incontournable, une pneumopathie d’hypersensibilité atypique peut être révélée par une toux. Cette affection sera alors le plus souvent une forme insidieuse, liée à une exposition prolongée, mais de faible intensité, aux antigènes. La dyspnée est modérée voire absente, l’état général se dégrade avec une perte de poids non expliquée. Le diagnostic étiologique, souvent fastidieux, retrouve par exemple des formes larvées de poumon d’éleveurs d’oiseaux, avec un seul oiseau ou parfois même juste une couette en duvet, ou une pneumopathie aux huiles de coupe contaminées par Mycobacterium immunogenum chez des sujets travaillant en atelier mécanique. La liste des agents contaminants s’enrichit en permanence et l’encre ou le papier des billets de banque usagers ont été incriminés chez un employé affecté au comptage ayant développé une pneumopathie d’hypersensibilité.

Enfin, la toux secondaire à une hypersensibilité médicamenteuse est le plus souvent rapportée après la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Mais de nombreuses autres molécules peuvent être en cause, avec récemment des observations décrites après oxaliplatine, abacavir ou sitagliptine.

Penser à une étiologie parasitaire.

Chez l’enfant, la toxocarose est une cause relativement fréquente de toux chronique chez l’enfant, en particulier en Hongrie, Roumanie ou dans certains pays d’Amérique du Sud.

Dans la majorité des cas de toux chronique une cause est retrouvée, dont le traitement permet la disparition du symptôme. Toutefois, dans un nombre non négligeable de cas, le bilan étiologique reste négatif ou alors le traitement de la ou des causes retrouvées n’est pas efficace.

Ces toux, considérées comme idiopathiques, concernent de 7 à 46 % des patients selon les études, majoritairement des femmes autour de la ménopause. La toux, sèche, quinteuse, déclenchée par le rire, les boissons froides, le début du repas, est souvent apparue à la suite d’une infection des voies aériennes. Les patients présentent une sensibilité accrue à divers agents tussigènes, comme les parfums ou le tabac et une hyperréactivité à la capsaïcine (composé du piment) est toujours retrouvée. Cette toux chronique pourrait être non plus un symptôme mais une maladie autonome, liée notamment à une sensibilisation des récepteurs TPRV1 (Transient receptor potential vanilloid 1), sous l’action de médiateurs de l’inflammation.

«Chez ces patients, les antitussifs représentent le seul recours thérapeutique possible, leur prescription nécessitant une bonne évaluation du rapport bénéfice/risque. D’autres molécules, antidépresseurs ou anti-épileptiques ont montré leur efficacité dans de petites séries, faisant considérer ces toux chroniques comme la fibromyalgie de l’allergologue », conclut le Dr Roger Escamilla.

D’après les communications des Prs et Drs Philippe Carré (Carcassonne), André-Bernard Tonnel (Lille) et Roger Escamilla (Toulouse) au cours de la session « L’allergologue face au tousseur chronique ».

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967