Asthme, rhinite allergique et sommeil

Des liaisons dangereuses

Publié le 20/05/2011
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Parmi les déterminants de santé majeurs, l’activité physique et l’équilibre alimentaire ont été largement mis en avant au cours de ces dernières années, alors que le sommeil, dont l’impact sur la qualité de vie et l’espérance de vie est pourtant aussi très important, n’a pas bénéficié de la même attention. « Nous devrions dormir sept heures par nycthémère, or nous sommes en privation chronique de sommeil, avec une perte moyenne de deux heures par nuit en quelques décennies, rappelle le Dr Marc Sapène, Président de l’association Asthme et Allergies. Le sommeil a de nombreuses fonctions restauratrices, puisqu’il permet notamment un repos cardio-vasculaire et respiratoire ». Parallèlement, il s’accompagne de modifications de la ventilation, avec une augmentation de la résistance des voies aériennes, une instabilité de la respiration au cours du sommeil paradoxal et une baisse physiologique de 30 % du Volume expiratoire maximal par seconde (VEMS).

Mauvaise qualité du sommeil : des retentissements ubiquitaires.

La présence de perturbations respiratoires nocturnes, liées par exemple à un nez bouché lors de la rhinite allergique ou à la survenue de crises d’asthme, est responsable de micro-éveils et de réveils et donc d’une fragmentation du sommeil. En conséquence, une somnolence diurne se met en place, pouvant être à l’origine d’accidents de la route, de troubles cognitifs, de maux de tête, de troubles cardio-vasculaires (hypertension artérielle, troubles du rythme, accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque) et de complications métaboliques (résistance à l’insuline, syndrome métabolique, prise de poids…).

Une autre étude récente a souligné le retentissement de la rhinite allergique sur la vie sexuelle. Les données épidémiologiques retiennent 16 % de la population aux États-Unis souffrant de rhinite allergique, quand des troubles du sommeil sont rapportés par 57 % des adultes et 88 % des enfants.

En outre, chez l’enfant, la perte de la respiration nasale nocturne du fait d’une obstruction nasale peut entraîner une déglutition langue basse et un moindre développement des sinus et des fosses nasales pouvant modifier la morphologie faciale vers un « faciès adénoïdien ». Ceci souligne l’importance d’une approche pluridisciplinaire, pour éviter par exemple des extractions intempestives de dents définitives, qui contribuent à la réduction du volume buccal.

Interdépendance.

Dans la cohorte du Wisconsin, qui a inclus près de 5 000 patients ayant répondu à un questionnaire et bénéficié d’une polysomnographie, la présence d’une congestion nasale multiplie par 1,8 le risque d’avoir des troubles respiratoires du sommeil, sans qu’il y ait de relation linéaire entre l’importance de l’obstruction et la sévérité des troubles. À l’inverse, une étude de cohorte australienne sur 2 398 enfants âgés de 1 à 14 ans a montré que la présence de réveils fréquents au cours des trois premières années de la vie est associée à un risque accru d’asthme non atopique à l’adolescence.

Autre effet notable : celui du sommeil sur l’asthme, lequel a longtemps été défini comme une « bradypnée expiratoire à prédominance vespéro-nocturne ». À l’instar du VEMS, le Débit expiratoire de pointe (DEP) suit un rythme circadien avec une chute progressive durant la nuit.

Ainsi, un patient asthmatique présentant des débits bronchiques déjà abaissés en fin de journée risque d’être réveillé par une crise d’asthme, en raison de l’augmentation de la bronchoconstriction au cours de la nuit. Les crises d’asthme nocturnes surviennent surtout entre minuit et 3 heures du matin, période où les taux de cortisol et de catécholamines sont au plus bas.

Autre facteur établissant un lien entre asthme et respiration nasale : la température et l’hygrométrie de l’air inspiré. Le bronchospasme peut être évité chez 90 % des asthmatiques si l’air est réchauffé à température du corps et à 100 % de saturation en vapeur d’eau, ce qui est le cas lorsque l’air est inspiré par le nez. Ainsi, des études montrent le lien existant entre rhinite allergique, asthme et apnées du sommeil. La congestion nasale nocturne est associée à des ronflements et à des Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), lesquelles augmentent en saison pollinique. Au final, l’existence d’une rhinite aggrave les symptômes de l’asthme, qui lui aussi favorise le SAOS.

Une démarche diagnostique.

Chez les patients ayant une obésité et un asthme sévère, le volet nutritionnel occupe une place importante dans la prise en charge thérapeutique. En effet, la perte de poids permet parfois de réduire la sévérité de l’asthme tout comme le SAOS. Pour confirmer des premières observations, une étude mise en place aux États-Unis (Be Well Study) va comparer chez des asthmatiques adultes obèses l’impact d’un programme visant à réduire le poids à celui d’une prise en charge classique. En conclusion, pour le Dr Marc Sapène, il est en pratique essentiel de rechercher une origine respiratoire en présence de troubles du sommeil et, inversement, de s’enquérir de la qualité du sommeil chez les patients ayant des troubles respiratoires. Et ce d’autant plus qu’un bon contrôle de l’asthme améliore le sommeil.

D’après la communication du Dr Marc Sapène (Bordeaux) « Asthme et sommeil ».

 Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967