La loi de bioéthique toujours face à la surcharge

Publié le 18/06/2024
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Les mesures phares de la loi de bioéthique – promulguée en août 2021 – font toujours face à des difficultés d’applications en pratique, entre chiffrage sous-estimé des demandes et limitation du nombre de centres d’autoconservation autorisés.

En juin 2023, le délai de prise en charge moyen pour une AMP était de 15,8 mois

En juin 2023, le délai de prise en charge moyen pour une AMP était de 15,8 mois
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Trois ans après la promulgation de la dernière loi de bioéthique, les professionnels sont dubitatifs et beaucoup de femmes sont déçues, tant l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) pour toutes et à l'autoconservation ovocytaire est difficile et les délais d’attentes longs.

Mesure phare de cette loi, l’ouverture de l’AMP à toutes les femmes, en couple ou seules, est, comme les autres, prise en charge à 100 % par l’Assurance-maladie. En conséquence, les centres ont été très rapidement submergés de demandes. Le besoin en sperme de donneur a augmenté dramatiquement et les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme (Cecos), seuls autorisés à fournir des paillettes de sperme, n’ont pas réussi à suivre.

Les demandes d’AMP des femmes célibataires explosent

 

Le comité de suivi de la loi de bioéthique a fait état, en décembre 2023, d’un délai moyen de prise en charge de 15,8 mois, avec une variation de 11 à 29 mois en fonction des centres. Les demandes de femmes célibataires explosent en France, supérieures à celles des couples de femmes. Ces femmes sont plus âgées que celles en couple hétérosexuel ou homosexuel, et leurs résultats s’en ressentent.

La loi a aussi donné la possibilité aux enfants issus d’un don de gamètes de connaître leurs origines et a autorisé la préservation de la fertilité sans raison médicale.

L’autoconservation à la française

Comme pour l’AMP ouverte à toutes les femmes, la France est le seul pays au monde où l’autoconservation est prise en charge à 100 %, mais la loi a posé deux limites : l’âge – à partir du vingt-neuvième anniversaire et avant le trente-septième – et la limitation aux centres publics autorisés.

Les délais moyens d’attente au 30 juin 2023 étaient estimés à huit mois au niveau national, 14 mois en Île-de-France. Les femmes de 36 voire 35 ans sont refusées dans certains centres et doivent s’adresser à l’étranger. Paradoxe de la loi française, ces femmes doivent s’adresser dans des centres étrangers privés alors que les centres privés français n’ont pas actuellement le droit de faire de l’autoconservation.

Il est possible que beaucoup de femmes de 37 ans et plus basculent sur une demande de prise en charge en AMP pour femme seule, venant grossir la file d’attente. De plus, l’autoconservation, au départ plutôt demandée par des femmes sans conjoint, l’est de plus en plus par des femmes en couple, qui veulent retarder leur grossesse.

Ce désir de plus en plus tardif et le fait que nombre de femmes ne souhaitent pas d’enfant (pour des raisons socio-économiques ou écologiques) contribuent à la chute drastique des naissances en France (lire p. 46). Pour rappel, on comptait 888 200 naissances en 1973, 723 000 en 2022 et seulement 678 000 en 2023.

Présidente du Collège national des gynécologues obstétriciens français

Dr Joëlle Belaisch Allart

Source : Le Quotidien du Médecin