DES PREMIERS ESSAIS réalisés (UKPDS, STENO 2, et PROACTIVE) le Pr Michel Pinget retient une leçon principale : si dans les trois cas, l’amélioration du contrôle glycémique prévient les complications microvasculaires, seule STENO 2 met en évidence une réduction significative des événements cardio-vasculaires, à tous les stades du suivi (même si, on le reverra, cet effet s’accroît avec le temps, comme dans UKPDS). Or, STENO 2 est la seule étude, incluant des patients à haut risque cardio-vasculaire, à avoir mis en œuvre une prise en charge intensive de l’ensemble des facteurs de risque, (alimentation, sédentarité, surpoids, lipides, pression artérielle et, bien sûr, glycémie). Le message est donc clair : la prévention du risque macrovasculaire chez le diabétique passe par un contrôle intensif de l’ensemble des facteurs de risque.
Les grandes études.
Plus récemment, le débat sur la protection cardio-vasculaire a été relancé par les résultats de trois grandes études (ADVANCE, ACCORD, et VADT), auxquelles il faut ajouter l’analyse à long terme des résultats d’UKPDS (UKPDS33). Dans les trois études on a des patients âgés de 60 à 66 ans, dont le diagnostic de diabète remonte de 8 à 11 ans, et qui, sont pour beaucoup à haut risque cardio-vasculaire (un tiers présente des antécédents cardio-vasculaires) ; cependant la surcharge pondérale est plus marquée dans les populations nord-américaines d’ACCORD et de VADT (IMC compris entre 31 et 32, contre 28 dans ADVANCE) et le contrôle glycémique est moins bon à l’inclusion (HbA1c à 8,2 et 9,4 % contre 7,5 % dans ADVANCE).
La différence ne vient pas de l’objectif glycémique qui est équivalent dans les 3 essais (6 à 7 % d’HbA1c) mais bien de la stratégie adoptée pour atteindre cet objectif. Dans ADVANCE, on a opté pour une démarche progressive reposant sur l’utilisation initiale de gliclazide (Diamicron), une minorité de patients étant mis sous insuline (40 %) et 17 % seulement prenants des glitazones. A contrario la démarche adoptée dans ACCORD et VADT est plus agressive, la plupart des patients prenant 4 antidiabétiques, dont des glitazones (85 à 91 %) et de l’insuline (70 à 77 %).
Si le taux d’HbA1c atteint est équivalent dans les trois études (6,5 à 6,9 %), la baisse est progressive dans ADVANCE alors que dans ACCORD et VADT l’essentiel du gain glycémique est obtenu pendant les 6 premiers mois de l’essai. Avec pour conséquences beaucoup d’hypoglycémies sévères (16,2 à 21,2 %) contre seulement 2,7 % dans ADVANCE. Par ailleurs, il n’y a pas de prise de poids dans ADVANCE, alors que les patients d’ACCORD prennent, en moyenne, 3,5 kg.
Dans ADVANCE, la supériorité du régime intensif est significative (-10 %, p < 0,01) pour le critère principal réunissant tous les événements majeurs qu’ils soient microvasculaire (apparition ou aggravation d’une néphropathie et d’une rétinopathie) ou macrovasculaire (décès d’origine cardio-vasculaire, infarctus et AVC non mortels).
En décomposant ce critère principal on retrouve une tendance positive mais non significative sur le risque macrovasculaire (-12 %, p = 0,32) et une diminution significative des événements microvasculaires majeurs (-14 %, p = 0,014), ce qui s’explique essentiellement par la diminution de l’incidence des néphropathies (-21 %, p = 0,006). Parallèlement on enregistre une diminution de 30 % (p < 0,001) des macroalbuminuries. Un résultat que le Pr Pinget souligne car 35 à 40 % des mises sous dialyse concernent des diabétiques, un pourcentage qui atteint 60 % en Alsace.
Ne pas être agressif.
Le Pr Pinget compare les résultats d’ADVANCE à ceux d’ACCORD, essai qui a dû être interrompu pour augmentation du nombre de décès cardio-vasculaires dans le groupe intensif (RR = 1,35, p = 0,002). VADT met en évidence la même tendance mais les effectifs sont trop faibles pour atteindre le seuil de significativité.
La lecture du Pr Pinget est que le schéma agressif choisi dans ces deux études, même s’il permet de réduire le nombre d’infarctus, majore la mortalité cardio-vasculaire globale, très probablement du fait d’un accroissement des troubles du rythme. On sait, en effet, que les hypoglycémies sévères ont été fréquentes dans ces études et que la prise de poids est relativement importante, du fait de la prise fréquente de glitazones et d’insuline. Cela conduit le Pr Pinget à plusieurs conclusions : tout d’abord, pour espérer avoir un effet positif sur le plan macrovasculaire, un traitement antidiabétique doit, comme celui d’ADVANCE, non seulement contrôler le taux HbA1c mais aussi ne pas engendrer la prise de poids et d’hypoglycémies sévères ; partant de là, le contrôle intensif devra être d’autant moins agressif s’il l’on traite des patients âgés ou fragiles.
La mémoire métabolique.
Le dernier grand message délivré par les grandes études est l’émergence du concept de la mémoire métabolique. Les patients d’UKPDS ont bénéficié d’un suivi pendant 5 ans après la fin de l’essai, paradoxalement on constate que si la différence du taux d’HbA1c disparaît entre le groupe conventionnel et le groupe sulfamide-insuline (le contrôle s’améliorant nettement dans les deux groupes), la différence devient significative, en faveur de ce dernier groupe pour l’incidence d’infarctus (-15 %, p = 0,014) et la mortalité globale (-13 %, p = 0,006). Autrement dit, le bénéfice du contrôle glycémique s’accentue avec le temps pour le risque macrovasculaire, mais aussi pour le risque microvasculaire. Même constat, dans l’étude STENO2 et dans ADVANCE, on voit que la tendance positive mais non significative se dessine pendant la dernière année de l’essai qui a duré au total 66 mois (-6 %, p = 0,3). D’où la décision de poursuivre le suivi des patients pour vérifier que le bénéfice devient significatif.
Le protocole d’ADVANCE a inspiré les nouvelles exigences de la FDA pour le développement de nouveaux antidiabétiques qui devront démontrer qu’ils n’augmentent pas la mortalité cardio-vasculaire, avec si possible une amélioration à long terme de cette dernière, comme le gliclazide (Diamicron) dans ADVANCE. Avec, par ailleurs, la nécessité de vérifier la tolérance à long terme, comme on l’a fait pour la metformine et les sulfamides.
(*) Réunion organisée avec le soutien institutionnel du groupe Servier
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