DANS LA RÉGION Nord-Pas-de-Calais, la prévalence du diabète de type 2 est particulièrement élevée, autour de 4,8 % de l’ensemble de la population, avec des patients diabétiques de type 2 de plus en plus jeunes, obèses ou en surpoids, observe le Pr Anne Vambergue. On sait que les diabétiques sont exposés à de nombreuses complications, macro et microvasculaires. Quarante pour cent des sujets en dialyse sont des patients diabétiques. Le diabète multiple par un facteur de 2 à 4 le risque de maladie coronarienne. Soixante-quinze pour cent des diabétiques décèdent d’une maladie coronarienne. Enfin, après un premier infarctus du myocarde (IDM), la mortalité à un an des diabétiques est de 44 % chez les hommes et de 37 % chez les femmes, contre, respectivement, 33 et 20 % chez les non diabétiques.
Il ne faut pas non plus oublier les complications ophtalmologiques, ni podologiques, ajoute le Pr Vambergue, qui déplore de voir encore trop de malades avec des lésions trophiques sévères au niveau du pied.
L’enjeu de la prise en charge de ces patients est donc de diminuer la morbidité et la mortalité liées à l’ensemble de ces complications. Nous disposons aujourd’hui des résultats de plusieurs grandes études d’intervention. La première est la célèbre étude UKPDS qui a inclus des patients à un stade précoce de la maladie. Elle a montré que la baisse de l’HbA1C de 7,9 à 7 % diminuait le risque de mortalité de 12 %, le risque de complications microvasculaires de 25 % et celui d’infarctus du myocarde de 16 %, ce dernier pourcentage n’atteignant pas le seuil de significativité statistique.
De plus, la baisse de la pression artérielle de 154/87 mm Hg à l’inclusion à 144/82 s’est accompagnée d’une diminution de 24 % de l’ensemble des événements micro et macrovasculaires fatals et non fatals, de 37 % de la microangiopathie, de 44 % du risque d’AVC et de 21 % du risque d’IDM, seul pourcentage qui ne soit pas non plus statistiquement significatif. L’impact de la baisse de la pression artérielle sur la morbi-mortalité confirme l’importance d’une prise en charge globale de ces patients avec le contrôle de l’ensemble des facteurs de risque fréquemment associés au diabète, souligne le Pr Vambergue.
STENO 2 a inclus 160 diabétiques de type 2 ayant une microalbuminurie, qui est en soi un authentique facteur de risque cardio-vasculaire, note le Pr Vambergue. Deux stratégies ont été comparées, la première, dite conventionnelle, n’a visé que l’HbA1c, la seconde, dite intensive, s’est attaquée à tous les facteurs de risque. Cette intervention agressive sur l’ensemble des facteurs de risque a diminué de 50 % les complications macro et microvasculaires au terme d’un suivi de 8 ans, avec une différence en faveur du traitement intensif qui s’est accru avec le temps.
PROACTIVE a porté sur une population de diabétiques beaucoup plus importante (n = 5 238), mais en prévention secondaire, donc chez des patients ayant déjà présenté des complications. Elle a comparé l’adjonction d’une glitazone ou d’un placebo à leur traitement habituel. Cette intensification du traitement n’a pas eu de bénéfice sur la mortalité cardio-vasculaire, mais la durée de suivi a été courte (3 ans), sans doute trop brève pour mettre en évidence une baisse significative du critère principal (un indice composite associant la mortalité globale, les IDM non fatals, les syndromes coronaires aigus, les accidents vasculaires cérébraux [AVC], les interventions cardiaques et les interventions des membres inférieurs), note le Pr Vambergue. Pour montrer un impact de la prise en charge sur la réduction de la mortalité cardio-vasculaire, il faut du temps, insiste-t-elle. Malgré cette dernière étude, la preuve semblait acquise : il fallait faire baisser l’HbA1c le plus possible pour réduire les complications et améliorer le pronostic des patients diabétiques. Prenant en compte l’ensemble de ces données, les recommandations ont ainsi visé une baisse de plus en plus importante de ce paramètre. Après 7 %, l’objectif est passé à 6,5 %.
Une attitude plus nuancée.
Trois autres études sont alors venues mettre en cause le désormais célèbre « toujours plus fort, toujours plus bas » :
– ADVANCE, qui a porté sur plus de 11 000 patients diabétiques depuis huit ans en moyenne, qui avaient un taux d’HbA1c médian de 7,5 % ;
– ACCORD sur plus de 10 000 diabétiques diagnostiqués depuis 10 ans, mais ayant un taux d’HbA1c plus élevé, de 8,2 % ;
– et VADT, sur un plus petit échantillon de malades, ayant un diabète connu depuis plus de 11 ans et une HbA1c encore plus élevée, de 9,4 % à l’inclusion. ».
Une analyse soigneuse de ces essais permet aujourd’hui d’en tirer les leçons et de préconiser une attitude pratique plus nuancée.
L’objectif d’HbA1C était pour ces trois études, respectivement, < 6,5 %, < 6 % et7 %.
Les deux dernières, ACCORD et VADT, ont donné des résultats négatifs, (ACCORD a même été interrompue prématurément en raison d’un excès de mortalité dans le bras traitement intensif), alors qu’ADVANCE a montré le bénéfice en termes de morbi-mortalité du traitement intensif permettant d’atteindre l’objectif.
Comment expliquer ces résultats divergents ? Les stratégies étaient différentes, répond le Pr Vambergue. Dans ADVANCE, la stratégie reposant sur le gliclazide a permis une atteinte progressive de l’objectif d’HbA1c, alors que, dans ACCORD et VADT, la baisse de l’HbA1c a été précoce et rapide, l’objectif ayant été atteint en un temps court. Le traitement était particulièrement agressif avec une multithérapie associant fréquemment insuline et insulinosécréteur, ce qui explique sans doute un plus grand nombre d’hypoglycémies sévères dans ces deux études. Après publications de ces résultats, il convenait de réfléchir de nouveau aux modalités de prise en charge et aux objectifs à atteindre. Chez les patients diabétiques de type 2 traités par sulfamides ou insuline, le traitement intensifié expose à un risque d’hypoglycémies sévères, mais les travaux récents permettent d’apporter des éléments nouveaux à ce débat. Les données post hoc de l’étude ACCORD suggèrent que l’excès de mortalité observé dans le groupe intensif n’est pas directement expliqué par l’incidence élevée d’hypoglycémies sévères. La mortalité est associée à un taux d’HbA1c élevé en base mais essentiellement chez des patients diabétiques de type 2 soumis à un traitement intensif et sans réduction importante de l’HbA1c. L’analyse des résultats montre en outre que les patients qui ont eu le plus d’hypoglycémies sont aussi ceux qui eu le plus de complications micro et/ou macro vasculaires. L’ensemble de ces données indiquent que les hypoglycémies sévères sont associées à une augmentation du risque de survenue d’événements rares. Il est possible qu’elles contribuent à la survenue d’événements graves mais le lien ne semble pas direct. Les hypoglycémies seraient un marqueur de vulnérabilité, note le Pr Vambergue.
Il apparaît donc clairement au vu de ces données que la prise en charge du diabète doit être individualisée. « C’est le triomphe du bon sens clinique », estime le Pr Vambergue : l’objectif doit être adapté au profil du patient. S’il faut se donner les moyens d’atteindre la cible de 6,5 % chez un sujet encore jeune dont le diagnostic de diabète est récent, chez un patient qui a un diabète depuis plus de 15 ans et de nombreuses comorbidités 7,5 % semble un objectif raisonnable…
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