Patients, mais aussi oncologues, sont affectés par la pandémie. C'est ce qu'illustre une enquête européenne soutenue par la Société européenne d'oncologie médicale (ESMO). Les médecins tendent à être en burn-out tandis que les patients, en particulier ceux atteints de cancers hématologiques ou pulmonaires, payent un lourd tribut au virus. Et ceci d'autant plus qu'ils sont de sexe masculin, en mauvais état général et/ou été admis en réanimation.
Des médecins usés et débordés
« Avant même la pandémie, en cancérologie le système de santé et les professionnels étaient déjà sous pression vu la croissance des cas en Europe », rappelle la Pr Rosa Giuliani (Affaires Publiques, ESMO) [1|. Et le résultat de deux enquêtes en ligne réalisées par ESMO Resilience Task Force en mai 2020 montre que la pandémie n'a rien arrangé. « Cette enquête menée parmi plus de 1 500 oncologues dans 101 pays met en évidence qu'au fur et à mesure que la mortalité par Covid-19 augmentait, la "santé" des professionnels déclinait (2). En mai plus d'un tiers des professionnels interrogés disaient déjà souffrir de burn-out (38 %) et un quart (25 %) était en détresse. Les deux tiers (66 %) se plaignaient en outre de ne pas pouvoir remplir leurs tâches comme avant la pandémie. Après le pic, en juillet-août, alors que l'efficience au travail s'était améliorée avec des signes montrant que l'urgence était en train d'être contrôlée, le mal-être et le burn-out avaient progressé », résume la Dr Susanna Banerjee, auteure principale de l'étude.
Des recommandations ESMO spécifiques
« Pour répondre à la crise, l'ESMO s'est très vite mobilisée pour développer une série de recommandations spécifiques adaptées aux différents cancers, pour guider au mieux les oncologues dans la tourmente », explique le Dr Giuseppe Curigliano (Président du comité des Guidelines). Ce consensus d'expert a été mis en ligne dès la fin du mois de juillet (3). Il vise à aider à l'avenir chaque professionnel dans sa pratique. Il apporte aussi globalement un message : « éviter au maximum de retarder les traitements qui ont un impact sur la survie en ré-allouant au besoin les ressources dédiées aux patients cancéreux », souligne le Dr Curigliano
SARS-CoV-2 et cancer, la double peine
Plusieurs études présentées ont cherché à mettre en évidence les facteurs de risque de décès de Covid-19 parmi les patients porteurs de cancers, dont une étude française bien documentée centrée sur les tumeurs solides (4). Supportée par le Groupe collaboratif français des tumeurs solides, elle s'est intéressée aux sujets porteurs de tumeurs solides infectés par le virus. Au total, près de 1300 patients ont été recrutés, de 67 ans d'âge médian et composés de 62 % d’hommes. La majorité était du Nord Est (80 %). Parmi eux, 16 % sont obèses et 52 % fumeurs ou ex-fumeurs. Enfin, 84 % ont au moins une comorbidité et 25 % au moins quatre comorbidités, au premier rang desquelles une hypertension artérielle (46 %), un diabète (21 %) et une bronchopneumopathie chronique obstructive (12 %). Les tumeurs solides les plus fréquentes étaient digestives (36 %), thoraciques (24 %) et gynécologiques (20 %). Dans les trois mois précédant l'infection par le virus, 60 % avaient reçu un traitement systémique (chimiothérapie 45 %, immunothérapie 8 %, thérapie ciblée 14 %, hormonothérapie 4 %), 10 % une radiothérapie et 4 % avaient été opérés.
Au total, un mois après le diagnostic de l'infection virale, près d'un tiers est décédé (29 %) alors que globalement 65 % ont été hospitalisés, 10 % sont passés en réanimation, 42 % ont eu besoin d'oxygène et 5 % ont dû être ventilés. Plus globalement, un tiers a été gravement touché (besoin en oxygène, réanimation ou décès).
Dans cette cohorte de tumeurs solides, quatre facteurs de risque de décès de Covid-19 ressortent, après de multiples ajustements. Il s’agit du sexe masculin, d’un mauvais état général, d’un passage en réanimation et d’un mauvais score de Charlson.
(1) Dyba T. et al. Abstr 1581O_PR
(2) Banerjee S. et al. Abstr LBA70_PR
(3) Curigliano G. et al. Ann Oncol 2020 Oct;31(10):1320-35
(4) Lièvre A. et al. Abstr 1673MO
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