Prix Nobel. Le prix Nobel de médecine 2011 a été décerné d’une part, pour moitié, conjointement à l’Américain Bruce Beutler et au Français Jules Hoffmann (médaille d’or CNRS 2011) pour leurs travaux concernant l’activation de l’immunité innée et, d’autre part, pour moitié, au Canadien Ralph Steinman pour la découverte de la cellule dendritique et son rôle dans l’immunité adaptative. Des découvertes qui ont conduit à des progrès en médecine, notamment en vaccinologie.
NOUS VIVONS dans un monde dangereux, peuplé de micro-organismes : bactéries, virus, infections fungiques et parasites, dont les attaques sont déjouées par un système immunitaire (SI) performant et complexe. Ses composants ont été décryptés pas à pas au cours du XXe siècle. Une série de découvertes souvent nobélisées ont permis de connaître la structure des anticorps et comment les lymphocytes T s’y prennent pour reconnaître les composants étrangers.
On a compris que lors de l’irruption des indésirables, la réponse immunitaire suit un processus en deux étapes. L’immunité innée est d’abord recrutée pour stopper l’infection, puis l’immunité adaptative pour nous en débarrasser. Jusqu’aux découvertes de Beutler, Hoffmann et Steinmann, les mécanismes d’activation de l’immunité innée, tout comme les liens unissant immunité innée et adaptative, restaient énigmatiques.
Les détecteurs de l’immunité innée
Hoffmann et ses collaborateurs ont fait leur découverte pionnière sur la drosophile en 1996, en travaillant sur l’infection avec des outils de la génétique moléculaire. Ils ont à leur disposition différentes souches de drosophiles chez qui des gènes codant des récepteurs ont été inactivés. Mises au contact d’un pathogène, les mutantes dépourvues du récepteur Toll meurent d’infection par défaut de pouvoir élaborer une immunité efficace. Le récepteur Toll était déjà connu mais dans un tout autre domaine, celui du développement embryonnaire. L’équipe de Hoffmann montre que le produit du gène Toll est impliqué dans la détection des micro-organismes pathogènes et que l’activation de Toll est nécessaire à la réussite de la défense chez la drosophile. Ainsi, lorsqu’ils sont activés, ces récepteurs transmembranaires présents sur de nombreuses cellules, entraînent une cascade de réactions aboutissant à l’activation de gènes codant des molécules antifungiques, antimicrobienne, etc. Ces travaux par ailleurs valident le statut de la drosophile comme modèle pour l’étude de l’immunité innée non adaptative, conservée au cours de l’évolution.
L’immunité innée, non spécifique d’un antigène donné appartenant à un agent pathogène, est distincte de l’immunité acquise et adaptative (avec notamment la production d’anticorps), ces deux mécanismes travaillant en coopération.
Bruce Beutler cherchait un récepteur capable de lier les lipopolysaccharides (LPS) bactériennes à l’origine du choc septique, associé à une hyperstimulation du SI. En 1998, il montre que les souris résistantes aux LPS ont une mutation sur un gène similaire au gène Toll des drosophiles. Ce récepteur « similaire à Toll » (Toll-like receptor ou TLR) est bien celui qui lie les LPS. Lors de ce lien, des signaux d’inflammation sont activés, aboutissant en présence d’un excès de LPS à un choc septique.
Ces observations ont montré que les mammifères et les drosophiles utilisent des molécules similaires pour activer l’immunité innée en présence de micro-organismes pathogènes. Les détecteurs en jeu dans l’immunité innée avaient été découverts.
Les découvertes d’Hoffmann et Beutler ont suscité de nombreuses recherches sur l’immunité innée. Une douzaine de TLR ont à ce jour été identifiés chez les humains et les souris, chacune d’entre elles reconnaissant certains types de molécules communes aux micro-organismes. On trouve des TLR chez les mammifères et de nombreux vertébrés, mais également chez des invertébrés et chez certaines plantes sous des formes différentes. Les récepteurs Toll et TLR reconnaissent des motifs moléculaires conservés.
Des mutations peuvent être à l’origine selon les récepteurs, d’un risque accru d’infection ou de maladies inflammatoires chroniques.
Une nouvelle cellule qui contrôle l’immunité adaptative
Ralph Steinman est l’homme des cellules dendritiques. Il les découvre en 1973 ces cellules présentatrices d’antigènes, et leur donne leur nom de cellules dendritiques car elles émettent dans certaines circonstances de dendrites. Pressentant leur importance sur le plan immunitaire, il veut savoir si les cellules dendritiques activent les cellules T, qui développent la « mémoire immunologique » afférente aux différentes substances. Dans les essais in vitro, la présence des cellules dendritiques induit des réponses nettes des cellules T à ces substances, réponse immune adaptative. La poursuite de travaux de l’équipe permet de contrer un certain scepticisme initial, démontrant que les cellules dendritiques ont une capacité unique d’activer les cellules T.
Les cellules dendritiques interviennent également dans le contrôle de la réaction contre le non-soi, permettant au SI de ne réagir qu’aux pathogènes. Ralph Steinmann ne verra malheureusement pas le couronnement de ses travaux, étant décédé d’un cancer du pancréas trois jours avant l’attribution du Nobel.
Vaccins améliorés
Les découvertes des lauréats du Nobel de cette année ont permis le développement vaccins améliorés contre les infections et pour attaquer les tumeurs. Ces découvertes nous aident aussi à comprendre pourquoi notre SI peut attaquer les tissus de l’organisme, donnant des indices pour des traitements contre les maladies auto-immunes.
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