« Ce PRIX NOBEL récompense deux des trois ou quatre grandes révolutions en immunologie et en biologie de ces vingt dernières années », s’exclame Sebastian Amigorena, directeur de recherches CNRS-Institut Curie et membre de l’Académie des sciences. La distinction accordée à Jules Hoffmann et à Bruce Beutler correspond à la découverte d’un récepteur qui permet aux organismes de détecter la présence de microbes et d’interagir avec eux, les TLR (Toll Like Receptors). « C’était alors la première description de récepteurs spécifiques permettant de répondre aux agressions microbiennes. C’était la première famille de récepteurs identifiés, il en a été découvert d’autres depuis. Il s’agit d’un caractère conservé à travers l’évolution, de la mouche jusqu’aux mammifères. »
Quant à Ralph Steinman, sa grande découverte est celle des cellules dendritiques. « Elles permettent de faire le lien entre le mécanisme de détection des pathogènes, mis au jour par Hoffmann et Beutler, et les réponses adaptatives. C’est ce récepteur TLR qui permet de déclencher la réponse adaptative, c’est-à-dire spécifique d’un antigène. » Les cellules dendritiques font le lien entre les réponses immunitaires innées, déclenchées par des pathogènes directement grâce à des motifs conservés (une réponse immédiate constituant une première ligne de défense) et la défense à long terme, la mémoire immunitaire. Cette dernière, qui est due au système adaptatif, permet de proposer une réponse spécifique à l’agent pathogène : c’est le principe de la vaccination.
Les cellules dendritiques ont été découvertes au début des années 1970, mais elles ont pris toute leur importance voici une quinzaine d’années. Les TLR ont aussi 15-20 ans. « Ces deux applications en immunologie sont quasiment concomitantes, et cohérentes. » Toutes deux permettent de comprendre, pour la première, comment fonctionne l’immunité innée et, pour la seconde, quel est le lien entre l’inné et l’adaptatif.
Selon S. Amigorena, les conséquences principales en clinique portent sur le domaine de l’immunothérapie, de la vaccinologie. Ces avancées ont permis la mise au point d’une nouvelle génération de vaccins, les vaccins synthétiques qui sont déjà, pour plusieurs d’entre eux, utilisés en clinique. Autant la découverte des TLR a abouti à la mise au point de ligands synthétiques, utilisés comme adjuvants dans des protocoles par vaccin synthétique, autant les cellules dendritiques débouchent plutôt sur des vaccinations thérapeutiques dans des cancers. Ce qui est derrière ces deux découvertes est la vaccinologie de demain. « Comment vacciner contre l’ensemble des pathologies encore privées de vaccin. Les développements potentiels sont énormes, le plus gros des conséquences directes est à venir. Il s’agit là vraiment du grand domaine qui a bénéficié de ces découvertes. »
Le rôle de Charles Janeway.
« Il faut souligner le rôle d’un autre chercheur qui a joué un rôle clé dans la découverte des ligands de TLR, c’est Charles Janeway. Il a été à l’origine de la découverte avec J. Hoffmann. S’il n’était décédé en 2003, il aurait probablement fait partie des lauréats. Il a collaboré dès le début avec J. Hoffmann et a contribué à la découverte des TLR. Hoffmann a travaillé sur la drosophile, Beutler sur la souris, mais au niveau conceptuel il s’agit bien d’une collaboration entre ces trois chercheurs ».
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