Cancer du sein

Vers une décision médicale partagée

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Publié le 27/04/2017
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Le dépistage organisé (DO) du cancer du sein a été généralisé en France en 2004, après avoir été testé dans quelques départements. Mais les polémiques nées après différentes publications, réfutant les résultats des essais cliniques qui avaient conduit à proposer ce dépistage et soulignant le risque de surdiagnostic, ainsi que la faible participation au DO, de 50 à 52 %, et les inégalités d’accès et de pratiques sur le territoire ont conduit à revoir la place et les modalités de ce dépistage, en s’appuyant sur les avis et les attentes des femmes et des acteurs concernés.

Concertation citoyenne et scientifique

L’Institut national du cancer (INCa) a été sollicité par la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Madame Marisol Touraine, pour organiser une concertation citoyenne et scientifique nationale sur le dépistage du cancer du sein, dont les conclusions sont à la base du rapport remis en septembre 2016 par le Comité d’orientation. Parmi les deux scénarios proposés pour faire évoluer la stratégie sur le dépistage du cancer du sein et permettre à terme, avec des outils technologiques validés, de mettre en place une stratégie de dépistage adaptée au niveau de risque, c’est l’arrêt du dépistage organisé actuel pour un nouveau dépistage organisé profondément modifié qui a été choisi par la ministre.

La concertation citoyenne et scientifique a permis de faire plusieurs constats : inégalités d’accès, confusion entre prévention primaire, dépistage et diagnostic précoce, absence d’information sur les risques et les incertitudes du dépistage dans la lettre d’invitation adressée tous les deux ans, doutes sur l’efficience de certaines stratégies thérapeutique, absence des médecins traitants dans le parcours du DO ou encore explications insuffisantes sur le remboursement partiel des échographies. Et des propositions ont été faites dans plusieurs axes : prendre en compte la controverse dans l’information délivrée aux femmes et aux professionnels de santé, intégrer les stratégies de dépistage du cancer du sein dans une démarche plus globale de prévention et de dépistage par la mise en place d’une consultation dédiée, développer une stratégie de dépistage et de suivi plus hiérarchisée en fonction du niveau de risque, améliorer les connaissances scientifiques en développant la recherche et en évaluant les stratégies mises en place et à venir (1).

Tenir compte des attentes des femmes

« L’une des évolutions concerne donc l’approche personnalisée du dépistage, qui intègre le médecin traitant et fait appel à l’information des femmes et au recours à des outils d’aide à la décision », a souligné Frédéric de Bels.

Ce concept de décision médicale partagée pose bien sûr la question des informations et des outils nécessaires pour que les femmes puissent décider, en toute connaissance de cause, de participer ou non au dépistage. Cette démarche n’est pas si simple dans un pays qui a été l’un des premiers à légiférer mais qui est aussi celui où, selon différentes enquêtes, les patients se sentent les moins impliqués dans les décisions au niveau où ils le souhaitent. Il s’agit concrètement d’un échange d’informations entre la femme, qui vient avec ses croyances et ses connaissances et un professionnel de santé qui a sa propre expérience et les données de la science. Les outils servent à clarifier les préférences des femmes, en tenant compte de leurs attentes. Il est donc également important d’explorer leurs préférences : être rassurée, éviter tout examen invasif, se donner toutes les chances de ne pas mourir d’un cancer ?

D’après les communications de Frédéric de Bels, INCa, des Dr Éric Drahi, collège de la médecine générale, Valérie Ertel-Pau, HAS et Mme Séverine Laporte, citoyenne ayant participé à la concertation.
(1) Suite à ces propositions (et depuis le Congrès de Médecine générale), un nouveau programme de DO a été annoncé le 6 avril par la ministre des Affaires sociales et de la Santé, mettant notamment l’accent sur la prévention dès 25 ans et une seconde consultation à 50 ans.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9576